La gratuité gagne encore du terrain dans l'information en ligne. Le New York Times vient d'abandonner sa zone payante, le Financial Times s'ouvre partiellement à la gratuité et même le Wall Street Journal songerait à abandonner son système d'abonnement pourtant rentable. En France, les quotidiens économiques Les Echos et La Tribune ont aujourd'hui un contenu payant. C'est également le cas du Parisien et, très partiellement, du Figaro et du Monde. Les tendances américaines finissant souvent par aborder nos rivages, il est fort possible que le modèle de la gratuité totale l'emporte ici aussi.
Faut-il s'en réjouir ? Soulignons tout d'abord que la "gratuité" n'existe pas. Les entreprises de presse ont toujours besoin de ressources financières. En l'absence d'acheteurs, les voici financées par les annonceurs. Il est plus juste de parler de modèle publicitaire que de modèle gratuit. Et cela pose deux types de problèmes pour l'information sur internet.
Tout d'abord, la manne publicitaire est-elle suffisamment généreuse pour financer à elle seule une information de qualité ? Certes, le pub en ligne se développe de manière spectaculaire. Mais on peut douter de la réponse. Les sites de presse qui s'annoncent bénéficiaires se nourrissent d'un contenu papier qui, lui, demeure payant. Les grands sites agrégateurs de nouvelles, comme Yahoo Actualités, paient à vil prix des dépêches d'agence vendues très cher aux médias traditionnels. Tout cela fausse le calcul économique.
Une site d'information original et véritablement producteur de contenu peut-il se financer uniquement par la publicité ? C'est le pari tenté par mes amis de Rue89 et quelques autres. L'argument essentiel est celui d'un choix obligé pour s'adresser à un grand public désormais accoutumé à la gratuité de l'information sur le net. Certes. Le réalisme économique de ce choix reste néanmoins à prouver tant il est vrai que la recherche d'une information originale et son traitement rigoureux coûtent cher. On rétorquera peut-être que la télévision et la radio ont démontré la validité du modèle publicitaire. Mais ces médias produisent à la fois, et parfois de façon mêlée, de l'information et du divertissement.
On touche ici à l'essentiel. Qu'on le veuille ou non, la logique de financement pèse sur les contenus. Les médias payants sont payés par des citoyens désireux de s'informer. Les médias gratuits sont rémunérés par des consommateurs influencés par la publicité. Nuance. Les stratégies de conquête du lectorat ne sont pas les mêmes dans les deux cas. Le modèle publicitaire incite à maximiser une audience selon certains types de critères (la ménagère de moins de cinquante ans ou encore le cadre supérieur à fort potentiel d'achat). Et les choix éditoriaux sont bien obligés d'intérioriser, plus ou moins consciemment, ces contraintes. Patrick Le Lay, alors PDG de TF1, avait eu la cynique franchise de confesser que son vrai métier était de "vendre du temps de cerveau humain disponible" aux annonceurs. Le filon publicitaire ne peut plaider l'innocence.
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