Contrairement à une croyance répandue, les fins de campagne présidentielle sont loin d'être habituellement décisives. Quelques jours avant le scrutin, les médias soulignent régulièrement qu'un tiers des électeurs peut encore changer d'avis. De leur côté, les candidats en peine conjurent les citoyens de faire mentir les sondages.
Cette effervescence n'empêche pourtant pas les rapports de forces installés antérieurement de se confirmer, à quelques points près, le jour du vote sans bousculer le moins du monde l'ordre d'arrivée des candidats. C'est ce qui s'est produit lors des deux dernières élections présidentielles, en 2012 comme en 2007.
En général l'essentiel se joue avant
La phase décisive pour l'issue du tournoi élyséen se situe habituellement bien en amont de la dernière ligne droite de la campagne. Cette «cristallisation» opère fréquemment en février, période de l'année à laquelle Jacques Chirac a doublé Raymond Barre en 1988 puis Édouard Balladur en 1995.
Reste évidemment le cas de la présidentielle de 2002, qui est certainement celui qui se rapproche le plus de la configuration actuelle. On le sait, aucune enquête d'intentions de vote n'avait anticipé la qualification de Jean-Marie Le Pen au second tour. Les sondeurs avaient pourtant relevé, en fin de campagne, une dynamique positive pour le candidat du FN et négative pour celui du PS, Lionel Jospin.
Cette instabilité dans les intentions de vote se retrouve très précisément aujourd'hui. C'est au demeurant loin d'être le seul facteur qui incite à penser que les derniers jours qui nous séparent du 23 avril seront inhabituellement décisifs. On peut même distinguer cinq sources d'incertitude qui se conjuguent pour ajouter au mystère de l'issue finale.
Une double hésitation
Faut-il voter ou s'abstenir? Et, si oui, à qui diable accorder son suffrage? L'électorat apparaît exceptionnellement dubitatif face à cette double question. Élection reine de la vie politique française, la présidentielle est le scrutin traditionnellement le moins boudé. L'abstention au premier tour dépasse rarement les 20% d'électeurs inscrits. Comme par hasard, le record est ici détenu par la présidentielle de 2002 (28,4% d'abstention).
Au cours de la présente campagne, l'indice de participation ne monte que très lentement. Celui de l'abstention reste très élevé (32%) dans le Rolling Ifop alors même que l'intérêt pour la présidentielle des Français est très soutenu.
Cette hésitation à voter se double d'une interrogation persistante sur le choix à effectuer. Le dernière enquête Kantar Sofres montre que seulement 50% des personnes interrogées déclarent avoir fait leur choix et être certaines de n'en point changer. Elles sont 25% à marquer une «nette préférence» mais à «hésiter encore», 12% à «hésiter vraiment» entre plusieurs candidats et 6% à hésiter entre le vote pour un candidat, le bulletin blanc ou l'abstention.
La nouveauté actuelle réside cependant surtout dans la différence de solidité des différents électorats potentiels. Selon cette question, pas moins de 70% de ceux qui ont l'intention de voter pour François Fillon et 63% des électeurs qui se prononcent en faveur de Marine Le Pen sont certains de leurs choix. Ce chiffre stratégique chute à 47% pour Jean-Luc Mélenchon, 44% pour Emmanuel Macron et même 39% pour Benoît Hamon.
Un candidat attrape-tout
C'est l'existence même d'un candidat à cheval sur le clivage droite-gauche, audacieusement posté au centre de l'échiquier politique, qui trouble le plus le jeu présidentiel.
Le jeune et séducteur Macron bénéficie ainsi d'un formidable potentiel électoral: pas moins de 46% des sondés déclarent qu'ils pourraient voter pour lui. La contre-partie de cette attractivité est l'évidente fragilité d'un candidat recueillant bon nombre d'intentions de vote refuge d'électeurs partiellement indécis et toujours susceptibles de le quitter dans l'isoloir.
L'analyse des seconds choix des électeurs produite par Ipsos-Cevipof est révélatrice de la très grande élasticité du public macronien: 56% des électeurs de Fillon citent Macron comme «second choix», de même que 27% de ceux de Hamon, ou encore 21% d'électeurs qui se prononcent en faveur de Mélenchon et enfin 14% de ceux de Le Pen.
Inversement, l'électorat macronien est susceptible de se reporter pour 27% sur Mélenchon, 21% sur Hamon et 19% sur Fillon. Autrement dit, une baisse (ou une hausse) des intentions de vote en faveur de l'ancien ministre de l'Économie redistribuerait les cartes de manière difficilement prévisible.
Vases communicants à gauche
Une autre singularité de la présidentielle version 2017 est de voir s'affronter deux candidats de gauche aux positionnements politiques trop proches pour que l'un ne souffre pas de la concurrence de l'autre. Hamon et Mélenchon se distinguent certes l'un de l'autre sur nombre de questions –en particulier sur l'Europe– mais ils se situent tous deux dans l'espace découvert à la gauche du Parti socialiste.
Cette proximité idéologique s'est traduite par un impressionnant phénomène de vases communicants dont a fait les frais le candidat désigné par la primaire socialiste. La dynamique qui porte Mélenchon s'est surtout produit au détriment de Hamon, désormais passé en-dessous de la barre des 10% d'intentions de vote.
On ne sait jusqu'où ces transferts peuvent se produire dès lors qu'une partie de l'électorat socialiste devrait tout de même rester fidèle au candidat de son parti. En sens inverse, la possibilité nouvellement entrevue d'une qualification de Mélenchon au second tour peut lui valoir un surcroît de soutiens.
Un paysage électoral instable
À moins de deux semaines du premier tour, le paysage électoral apparaît rien moins que figé. Là encore, la situation actuelle rappelle la présidentielle de 2002 caractérisée alors par la poussée du FN, dans la dernière période, parallèlement à une baisse des intentions de vote en faveur du PS.
Cette fois-ci, Le Pen et surtout Macron apparaissent sujets à des intentions de vote décroissantes tandis que Fillon est stable, Mélenchon grimpant spectaculairement et Hamon s'écroulant. Rien n'assure pourtant que ces tendances vont se maintenir dans les jours qui viennent. Il reste toutefois peu probable que l'électorat se stabilise compte tenu des caractéristiques atypiques l'offre présidentielle actuelle.
L'incertitude ajoute à l'incertitude
Les électeurs ont encore en mémoire la surprise constituée par l'issue des primaires de la droite comme de la gauche. À chaque fois, le favori des sondages s'est finalement laissé doublé par un outsider, Fillon d'un côté, Hamon de l'autre. Les enquête d'opinion, particulièrement délicates dans ce type de scrutin, avaient tout juste décelé la dynamique qui portait celui qui l'emporta au final.
N'oublions pas non plus que les intentions de vote présidentielles risquent toujours de mal estimer le niveau de certains candidats. Jospin avait ainsi devancé Chirac en 1995 au premier tour alors que toutes les dernières mesures indiquaient un ordre inverse. Georges Marchais avait encore été largement surestimé en 1981.
Cette fois-ci, c'est le cas de Fillon qui suscite le plus d'interrogations. On ne peut nullement exclure l'hypothèse qu'il bénéficie, dans le secret de l'isoloir, d'une sorte de «vote honteux» qui a du mal à s'exprimer pendant la campagne. Et que l'électorat de droite finira pas se résigner à l'appuyer pour garantir l'alternance.
Tout ceci conduit légitimement les citoyens à se défier des chiffres pondus par les sondeurs. En même temps, les rapports de forces régulièrement mesurés et publiés exercent une influence indéniable sur leurs choix. Innombrables sont néanmoins les calculs qui peuvent en résulter. Le «vote utile» peut, selon les cas, se porter aujourd'hui sur Fillon, Macron ou encore Mélenchon. L'incertitude même du résultat global ajoute ainsi encore à la glorieuse incertitude des choix de chacun.
Article publié sur Slate.fr
Tout est encore possible mais finalement on lit assez bien ce qui peut se passer, la cristallisation a largement eu lieu, même si par prudence on se présente comme indécis. Il y a des phénomènes de "check and balances" qui neutralisent la situation : si Mélenchon monte, cela reporte des électeurs sur Macron, et incite les gens à se projeter donc à stopper la dynamique Mélenchon.
Ce que je pressentais il y a une semaine est en train de se produire :
"Mon analyse est plutot que Macron va remonter légèrement, Le Pen va diminuer légèrement, Mélenchon va grimper encore un peu avant de plafonner, et Fillon n’arrivera pas à décoller. Hamon va se stabiliser en diminuant encore un peu."
https://lebavost.wordpress.com/2017/04/10/melenchon-va-t-il-tout-emporter/
Rédigé par : chouk | 20 avril 2017 à 11h40
Ah mes amis, mes chers compatriotes, que vous me faites peur! Casanova nous a appris qu'il n'y a généralement que des imposteurs et des dupes. Mais en ces circonstances exceptionnelles -oui exceptionnelles, ne le voyez-vous pas?-, serez-vous les dupes de toutes ces impostures qui prétendent à vous traîner sur de mauvaises routes? Irez-vous hurler bêtement, petitement, mauvaisement : "on est chez nous!" pour finir dans un bouge d'étroitesse et de pénurie? Croirez-vous à nouveau à cette chimère du pays de cocagne qui toujours rendit fous ses fidèles et toujours les conduit à s’entre-massacrer ? Cèderez-vous à la plus jeune et la plus séduisante des sirènes, celle qui vous tourne le sens par un doux chant de rêve tandis qu’elle accapare le trésor de votre navire ? Ma tristesse et ma colère seraient telles que je ne verrais plus mes amis qu’en traîtres et en irréductibles imbéciles. Vous avez un ami, un chef, une étoile pour vous guider en ce monde soudain si funeste, et parce que ceux qui vous veulent faibles vous l’ont dépeint d’un noir portrait vous ne le verriez plus que bandit ? Vous auriez la bêtise de rejeter le plus clairvoyant d’entre vous, et vous vous feriez vous-même votre propre bourreau ? Votre discernement, votre bon sens, votre cœur même, ne seraient plus que chair inerte, boue inutile, feu sans lumière ? Rien, nulle pitié, aucun affront ne sauraient plus éveiller en vous l’orgueil d’avoir été l’aune de la civilisation ? Vous ne sauriez plus le geste simple de la reconnaissance ? Je ne peux croire que vous soyez à ce point en dessous de vous-mêmes. Il y a bien un petit quelque chose, un frémissement, un œil ouvert, un front levé, quelque cœur froissé, quelque amertume d’être si bas tombés, ou encore, oui, je la sais, une attente éperdue, violente et presque irréelle. La blessure est vivante en chacun, la base sentimentale du redressement existe, il ne lui manque que de rencontrer sa volonté. Mes amis, en ce jour de grande et vraie cérémonie de notre corps politique, allez au plus profond de vous-même, et je ne peux douter que vous ne mettiez François Fillon bien au-dessus de toutes les impostures que l’on essayât de substituer à votre vérité.
Rédigé par : Ashitaka | 23 avril 2017 à 04h23