Emmanuel Macron est le nom d'une bulle médiatico-sondagière qui éclatera dans le feu de la campagne électorale. Le candidat «En marche», novice en politique, finira bien par trébucher. Ces anticipations d'un affaissement inéluctable du champion d'un parler «et droite et gauche», qui résiste généralement mal à l'épreuve de vérité d'une campagne présidentielle, ont pour elles les leçons de l'histoire.
Le candidat occupant la position la plus centrale dans le spectre politique part habituellement auréolé d'excellents sondages d'intentions de vote qui fondent au fur et à mesure que la bataille politique s'intensifie. C'est la mésaventure qu'ont connue Raymond Barre en 1988 et Edouard Balladur en 1995.
Un contre-exemple est cependant fourni par la campagne victorieuse de Valéry Giscard d'Estaing en 1974. Le candidat du «changement sans le risque» l'avait l'emporté grâce à la trahison de Jacques Chaban-Delmas par Jacques Chirac et ses amis, qui avait profondément divisé le camp gaulliste. Le soutien accordé à Macron par des personnalités socialistes droitières comme Gérard Collomb ou Christophe Caresche, s'il manifeste un réel trouble au sein du PS, n'a pas aujourd'hui la même portée.
Plus récemment, les candidatures présidentielles qui prétendaient chevaucher le clivage droite-gauche ont enregistré des résultats décevants après avoir eu leur heure de gloire. Jean-Pierre Chevènement, qui avait espéré réunir «les Républicains des deux rives», n'a obtenu que 5,3% des voix en 2002 après avoir culminé à 11-14% des intentions de vote.
En 2007, le centriste François Bayrou avait franchi la barre des 20% d'intentions de vote, se hissant parfois à 22-24% des suffrages potentiels, mais il n'a réalisé que 18,6% des voix le jour du scrutin. Un score tout de même honorable qui s'explique assez largement par les préventions suscitées, dans leur propre camp, par les deux principaux candidats de la droite et de la gauche, Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal (ce qui nous rapproche un peu du cas présent).
Un potentiel électoral affermi
Dans la dernière enquête Kantar-Sofres-OnePoint, 54% des électeurs de Macron se disent «sûrs de leur choix» (plus douze points par rapport à janvier), soit nettement moins que Marine Le Pen (78%) mais autant que Benoît Hamon (54%) et un peu moins que François Fillon (58%).
Le candidat «en marche» a également réussi à traverser sans dévisser ses premières polémiques électorales. Vers la mi-février, il pouvait s'être mis à dos, coup sur coup, son électorat de droite en qualifiant la colonisation de «crime contre l'humanité» et son électorat de gauche en estimant que les opposants au mariage homosexuel avaient été «humiliés».
Les intentions de vote en sa faveur ont effectivement glissé de 22 à 20% dans l'enquête en continu OpinionWay et de 19,5% à 18,5% dans celle de l'Ifop. Mais l'électorat semble y avoir moins vu des messages codés à destinations de certaines clientèles que l'expression de la franchise d'un non-professionnel de la politique.
Le ralliement de François Bayrou, porteur de la vraie croix centriste s'il en est, l'a aidé à se tirer de cette mauvaise passe pour renouer avec une dynamique ascendante qui le place désormais à 23-25% des intentions de vote selon les instituts, soit nettement au-dessus de François Fillon (20-21%).
Deux candidats entravés
La malédiction du centre pèsera peut-être moins aujourd'hui en raison d'une configuration électorale très particulière. Une candidature centriste comme celle de Macron ne peut prospérer qu'en présence de candidats de droite et de gauche structurellement affaiblis.
Or, c'est bien ce qui se passe actuellement. Les deux hommes qui portent les couleurs des deux partis qui ont dirigé le pays depuis plusieurs décennies –le Parti socialiste et les Républicains– mènent une campagne lourdement entravée malgré leur succès à leurs primaires respectives.
L'image personnelle de François Fillon a été gravement abîmée par ses affaires d'emplois fictifs. Pas moins de 64% des sondés ne l'aiment pas du tout ou peu contre seulement 17% d'appréciations positives, selon la dernière enquête Ipsos. Même Marine Le Pen est mieux notée, avec 23% de notes positives et 61% de négatives.
Et ce ne sont pas les déclarations excessives de l'ancien Premier ministre, décrivant un pays «en quasi-guerre civile», qui vont redorer son image dans l'électorat de la droite modérée. Politiquement, Fillon est en outre aux prises avec un exercice délicat de recentrage de son programme, comme il a commencé à le faire sur les questions de santé, pour tenter d'en gommer ses propositions les plus impopulaires.
Enfin, le candidat LR est contraint par la puissante menace lepéniste à regarder sur sa droite. Les accents sarkozystes de ses derniers discours de campagne, centrés autour des thématiques de la sécurité et de l'immigration, trahissent son souci de contenir la concurrence du FN. Ce faisant, Fillon laisse filer une partie de l'électorat de centre-droit vers Macron.
Le candidat socialiste est confronté à une problématique symétrique. Dans son cas, c'est la poussée de Jean-Luc Mélenchon qui contraint Hamon à regarder vers sa gauche. Le candidat de la «France insoumise» n'est qu'à deux à quatre points derrière celui du PS. Ce vif jeu de concurrence interne à la gauche permet à Macron de séduire les électeurs de centre-gauche.
Cette déperdition est d'autant plus forte que le programme de Hamon est très décentré à gauche par rapport à l'orientation et aux choix effectués par le PS tout au long de ce quinquennat. Cette contradiction reste le talon d’Achille du candidat socialiste. Elle explique que les sympathisants socialistes qui ont l'intention de voter Macron sont aussi nombreux sont que ceux qui choisissent Hamon.
Le retrait de Yannick Jadot permet au candidat socialiste de s'enlever une petite concurrence. Mais l'accord passé entre le PS et EELV, qui fait la part belle aux revendications écologistes, risque aussi d'ancrer Hamon sur une orientation de nature à inquiéter l'électorat de la gauche modérée.
Polarité centre-extrême
La faiblesse personnelle du candidat de la droite républicaine et la faiblesse politique du candidat de la gauche socialiste se conjuguent pour offrir une exceptionnelle fenêtre de tir à une candidature authentiquement centriste. Tel est bien le positionnement du libéral de gauche Macron, adoubé par Bayrou, et qui aimante désormais les personnalités modérées de divers horizons.
Un duel de second tour entre Le Pen et Macron exprimerait sans doute une certaine vérité de la période. Le clivage droite-gauche céderait la place à l'opposition ouverture-fermeture (version Macron) ou mondialistes-patriotes (version Le Pen). Qu'il s'agisse du libéralisme économique, du libre-échange, de l'Europe, de la mondialisation ou de l'immigration, l'affrontement se ferait presque terme à terme.
Encore cette nouvelle polarité centre-extrême présenterait-elle sans doute un risque non négligeable pour la démocratie. Bénéficiaire de nombreuses complicités médiatiques et d'appuis importants dans les milieux économiques, Macron pourrait facilement faire alors figure de candidat des «élites». Les sondages qui le créditent d'une large victoire contre Le Pen au second tour n'ont, au stade actuel, guère de signification. Atypique, cette présidentielle pourrait bien l'être jusqu'au bout.
Article publié sur Slate.fr
Bonjour
Je suis assez d'accord sur le fait que c'est la fragilité des deux candidats qui a permis l'ascension de Macron. Mais cela participe aussi plus largement à une recomposition politique de fonds, avec un éclatement du spectre politique. Je ne crois plus à la "bulle", du fait des qualités du candidat, du contexte, mais aussi de la notion de vote tactique, intelligent, ou utile, comme on voudra bien l'appeler...
Le débat de ce soir sera important et intéressant. Je pense que plusieurs logiques vont s’affronter mais se neutraliseront en partie, et qu’il y aura peu de bouleversements dans les intentions de vote à l’issue de celui-ci. Mais cela peut aussi tourner différemment.
https://lebavost.wordpress.com/2017/03/19/20-mars-le-debat-qui-peut-tout-changer/
Rédigé par : chouk | 20 mars 2017 à 11h01
Valls est traitre au serment de la primaire, mais pas à ses convictions. Le Parti Socialiste, c'est bien connu, a servi de marchepied aux mondialistes pour conserver le pouvoir. Quand Sarkosy était usé, ils se sont servis des idéaux de gauche, du peuple de gauche, (souvenez-vous : Hollande déclarait la Finance son ennemie), et une fois élus ils ont fait la politique de la finance mondiale. Macron, d'ailleurs, était déjà là, conseiller à l'Elysée, puis ministre. Et quand Hollande fut usé, et que Valls ne décollait pas, ils ont lancé Macron. Et maintenant, tous les mondialistes, les atlantistes et les amis de la finance (et tous les opportunistes en quête de postes) quittent le navire PS et dansent la ronde autour du yacht Macron. Valls les suit, sans effort. Hollande les suivra, et l'on verra avec intérêt ce que deviendra Cambadélis qui, depuis qu'il était passé de l'OCI ("trotskyste") au PS, était devenu l'un des plus grands espions de la faction mondialiste chargé de tenir le PS en laisse. Il a certainement deux fours au feu : soit il parvient à maintenir assez de monde au Parti Socialiste en appui au dispositif Macron, soit, s’il n’y parvient pas, il essaiera de le vider au maximum en faveur d’En Marche. En perspective donc, de belles manœuvres d’appareils, que Macron prétend ne pas vouloir mener mais auxquelles il se prête déjà...
Rédigé par : Ashitaka | 29 mars 2017 à 23h12
Je suis entièrement d'accord avec votre article du jour sur Slate (où on ne peut commenter). L'exemple américain peut nous faire craindre que le "Tatayé" mondain d'Attali, mis en scène par Brigitte, ne soit en fin de compte le candidat le plus susceptible de faire gagner Le Pen.
La propagande éhontée que lui font presque tous ceux qui s'autorisent à être autorisés dans les médias dominants va finir par être aussi insupportable qu'un mal de dents.
La montée de l'autocrate populiste Mélenchon dans les derniers sondages est aussi un signe que les "belles personnes" ont du souci à se faire.
Rédigé par : TDB | 06 avril 2017 à 11h16
Il y a des points communs, mais il y a aussi des divergences. Hillary Clinton était depuis longtemps dans le paysage politique, et encore plus si on l'associe à son mari. Elle était très impopulaire du fait de son parcours et de nombreuses prises de positions antérieures. Ce serait plutot une Valls à la française.
Il faudrait peut être plutot comparer Macron à Obama pour le renouvellement, la transgression, le renouveau, l'entrainement sur sa personne plutot que sur son parti etc.
Rédigé par : chouk | 06 avril 2017 à 16h03
Si Jean-Pierre Chevènement avait été candidat, le choix eut été facile. Mais nous, qui sommes indépendants et pourtant sensibles aux destinées de notre pays, nous savons quelles conjurations l'ont écarté. Au-delà de celle des médiocrités, qui toujours œuvre à la ruine des grands hommes, il en est une plus précise, et extrêmement vivace de nos jours, c'est l'action sourde, violente et multiforme du parti mondialiste. Qu’on ne se méprenne pas. La mondialisation est un mouvement inévitable, mais ce qui l’est moins c’est que la finance en soit le souverain. Or, c’est précisément ce qui se passe, et la vision de Jean-Pierre Chevènement, que nous savons à la fois judicieuse et juste, ne convient en aucune façon à ce titan destructeur des nations, des traditions et des solidarités.
Il nous faut donc choisir entre les possibles. Non pas entre Le Pen et Macron, qui sont les noms de la faillite d’une part, et de la licence absolue donnée à la finance de l’autre, mais entre Fillon et Mélenchon. Quelle situation ! Aurions-nous pensé, il y a un an de cela, en être réduits à cet invraisemblable dilemme ? Il nous faut cependant considérer la chose. Les facéties charismatiques de Mélenchon, sorte de tentation pour gens de gauche, ne peuvent nous empêcher d’y déceler une façon de démagogie propre à rendre impossible toute victoire, et toute politique solide. De l’autre côté, nous observons un François Fillon qui semble incarner l’héritage gaulliste en ce qu’il définit une politique d’indépendance de l’Europe, d’équilibrage de nos relations avec les Etats-Unis et la Russie, et de lutte sincère et véritable contre le terrorisme islamiste. Mais il y a plus : ce libéral ne répugne pas à doter l’Etat d’une stratégie économique, et, surtout, il a défini une action déterminée contre la dette, qui est le poison de l’économie française et le tombeau de son indépendance.
Après l’échec de la gauche, sous la houlette de François Mitterrand, à tenir une position d’indépendance industrielle et monétaire, le Parti Socialiste, à partir de 1983, a commencé sa mue mondialiste. Et le parti gaulliste l’a suivi de près. Par glissements successifs, et par un travail sous-terrain de l’intérieur, ces deux partis sont peu à peu devenus, durant les trente dernières années, des instruments de l’armada institutionnelle du parti mondialiste. Les présidences de Nicolas Sarkosy et de François Hollande furent le couronnement de cette évolution. Le Parti Socialiste en ressort exsangue, les mondialistes quittant le navire, et les militants sincèrement de gauche s’y retrouvant tels les rescapés du Radeau de la Méduse. Le parti gaulliste, lui, a connu un sursaut autour de la candidature de François Fillon, une réaction de sauvegarde, un réflexe vital, le faisant renouer avec certaines des valeurs qui constituait son identité première, et avec un peuple mécontent et déboussolé par les déconstructions diverses et variées de cette mondialisation agressive.
Le parti mondialiste tenait pour acquis qu’il ait deux fers au feu, Juppé et Macron en l’occurrence, et l’on comprend, dès lors qu’on lui ait retiré le premier, qu’on l’ait remplacé par une personnalité et une politique totalement étrangères à ses vues, et que celles-ci soient en position d’emporter l’élection présidentielle, on comprend que ce parti fasse tout, y compris par des moyens déloyaux et antidémocratiques, pour détruire une opportunité surgie de certaines profondeurs du peuple et en même temps si contraire à ses plans. Nous comprenons alors que l’enjeu de cette élection n’est pas seulement le choix de la route à suivre, mais également celui de savoir si nous conserverons ou si nous perdrons la possibilité de faire librement ce choix. Nous comprenons qu’il existe aujourd’hui une chance d’échapper à cette mutation programmée de la France en un agglomérat de peuplades incultes, standardisées et soumises. Nous comprenons avoir entre nos mains la possibilité de redonner à notre patrie l’indispensable parcelle de pouvoir qui lui permettrait à la fois de se relever et de parler librement. Nous qui sommes indépendants, et pourtant si inquiets du destin de notre pays, nous choisirons François Fillon.
Rédigé par : Ashitaka | 17 avril 2017 à 16h49