Le rendez-vous présidentiel de 2017 s'annonce extrêmement périlleux pour le Parti socialiste. La formation au pouvoir n'est pas seulement menacée d'une cuisante défaite qui la ramènerait dans l'opposition après seulement cinq ans de gouvernement. Le PS risque surtout de voir remise en cause sa «suprématie au sein de la gauche», vieille d'une quarantaine d'années, comme le pointe le politologue socialiste Gérard Le Gall.
C'est peu dire que l'appel de François Hollande, le 1er décembre lors de l'annonce de sa non-candidature, à un «sursaut collectif» engageant les «progressistes» sur la voie de l'union, n'a pas été entendu. Comme on pouvait le craindre, le renoncement du chef de l'Etat a, au rebours, permis la multiplication des divisions à gauche.
Primaire sanglante
Tous les ingrédient sont réunis pour que la primaire socialiste des 22 et 29 janvier 2017 soit sanglante. Avec la candidature surprise de Vincent Peillon, le camp des défenseurs de l'orientation prise par le quinquennat Hollande se divise à son tour. La démarche opportuniste de l'ancien ministre de l'Education se justifie, de l'aveu même de ses amis, par l'existence d'un créneau entre Manuel Valls et Arnaud Montebourg qui représenteraient «les deux bouts de l'omelette» socialiste, et non son cœur.
La candidature de Peillon va permettre aux nombreux adversaires de Valls de se manifester. Anne Hidalgo lui a déjà apporté son soutien. Cette candidature mettra en lumière les faiblesses de l'ancien premier ministre de Hollande. L'impétueux Valls joue à contre-emploi lorsqu'il entonne le grand air du «rassemblement» des gauches et des socialistes. L'homme qui souhaitait un dépassement du PS n'est pas non plus le mieux placé pour garantir l'avenir de ce parti.
Pour autant, la candidature improvisée de Peillon aura du mal à embrayer sur une dynamique gagnante. On peut légitimement douter que ce député européen indolent doublé d'un professeur de philosophie épisodique, qui ne cachait pas hier encore sa détestation des jeux politiques, se soit sérieusement préparé à devenir candidat à la présidence de la République. Sa défense des grands choix économiques et sociaux du quinquennat finissant ne devrait pas non plus lui être très bénéfique auprès de l'électorat de gauche.
L'affrontement Peillon-Valls sera d'autant plus coûteux pour l'aile modérée du PS qu'elle sera soumise à une forte pression de sa gauche. Ici aussi, la division est reine, malgré le sage retrait de Marie-Noëlle Lienemann. Elle a toutes les chances de se focaliser autour de la concurrence entre Arnaud Montebourg, armé de son projet patriotique, et Benoît Hamon, qui creuse un sillon de gauche plus affirmé.
Pris en sandwich
Cet affaiblissement du candidat socialiste le placera dans une position délicate compte tenu de la configuration très particulière de la présidentielle de 2017. Le PS s'y trouvera, pour la première fois, confronté à deux anciens ministres ayant siégé à ses côtés mais s'en étant totalement émancipés. Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon n'ont pas grand chose en commun si ce n'est d'être portés chacun par une dynamique électorale potentiellement destructrice pour les socialistes.
Bénéficiant de puissants appuis médiatiques et d'enviables moyens financiers, l'entreprise de Macron ne peut être sous-estimée. Son meeting parisien du 10 décembre a rencontré un franc succès: 15.000 personnes pour un coût de 450.000 euros (ce qui fait tout de même 30€ par participant).
Le cheval de bataille libéral de l'ancien ministre de l'Economie peut lui permettre de détacher du vote socialiste une fraction précieuse des classes moyennes entreprenantes et modernistes. Macron bénéficiera encore de sérieuses complicités dans les rangs socialistes. Le maire de Lyon, Gérard Collomb, le soutient déjà et Ségolène Royal ne dissimule pas son intérêt pour sa démarche.
Or le candidat du PS aura également fort à faire avec la concurrence, sur sa gauche, de Jean-Luc Mélenchon. Le candidat de la «France insoumise» engrange les bénéfices d'être parti tôt en campagne et d'avoir réussi à rassembler la gauche radicale sur son nom. Le ralliement du PCF montre qu'il a réussi à s'imposer complètement dans cet espace politique.
L'électorat de gauche devrait ainsi se diviser entre trois candidats au profil politique très marqué, celui de la gauche libérale, celui de la gauche social-démocrate et enfin celui de la gauche radicale. A ce jeu inédit, le PS est loin d'être assuré de sortir gagnant au terme d'un quinquennat qui aura fait battre des records d'impopularité aux gouvernants au point que le chef de l'Etat n'a pas été en situation de se représenter devant les électeurs.
Reclassements politiques
Non seulement le PS a de bonnes chances d'être éliminé dés le premier tour de la présidentielle, mais il risque désormais d'être devancé par une autre force de gauche. Le danger est d'autant plus réel que la social-démocratie européenne est un peu partout en crise.
On sait que le PASOK, le parti socialiste grec, a été subitement marginalisé en raison de la cure d'austérité subie dans ce pays, remplacé partiellement par la gauche radicale de Syriza. En Espagne, les socialistes du PSOE sont désormais sérieusement contestés par la gauche mouvementiste de Podemos.
Rien n'est écrit, comme pourrait le dire Manuel Valls. Il n'est pas dit que le parti d'Epinay, né en 1971 et devenu majoritaire à gauche en 1978, n'a pas fait son temps. Faute d'avoir été capable d'assumer le minimum de cohérence entre ces discours d'opposant et ses pratiques gouvernementales, il risque d'être bientôt la principale victime des reclassements politiques en cours.
Article publié sur Slate.fr
Reste que si le PS était dépassé par Macron ou par Mélenchon, cela n'aurait pas du tout la même portée dans un cas ou dans l'autre. Ce qui rend l'élection à venir d'autant plus intéressante...
Rédigé par : Nikita Malliarakis | 29 décembre 2016 à 18h21