Le contraste ne peut être plus saisissant. À cinq mois de l'élection présidentielle, la droite est en parfait ordre de marche tandis qu'une gauche désorientée se perd en mille divisions. La réussite éclatante de la primaire ouverte de la droite et du centre –pas moins de 4,3 millions de votants au second tour– offre à ce camp un bénéfice politique annonciateur d'une prochaine alternance.
La droite dispose désormais d'un candidat à l'Élysée que nul ne conteste plus parmi les Républicains. La très franche victoire de François Fillon favorisera la réunification de la droite. Mieux, celle-ci est dotée d'un programme précis que son nouveau champion entend bien décliner tout au long de la campagne présidentielle.
Rage de la fragmentation
En face, les gauches n'ont rien de tout cela. La «rage de la fragmentation» qui s'est emparée de ce camp, pour reprendre l'expression du premier secrétaire du PS Jean-Christophe Cambadélis, se fait désormais sentir jusqu'au sommet de l'État. Manuel Valls tente désormais ouvertement de dissuader François Hollande, explicitement ramené «au désarroi, au doute, à la déception», d'être candidat à sa propre succession.
Dans un défi sans précédent sous la Ve République, le Premier ministre n'écarte même pas l'hypothèse d'être «candidat face au président», la candidature de celui-ci lui apparaissant comme «bancale, fragile». Et le président de l'Assemblée nationale, quatrième personnage de l'État, de proposer que Hollande et Valls se présentent tous deux à la primaire socialiste de janvier prochain.
Mélenchon s'affirme ainsi comme le seul candidat de gauche d'envergure non conditionnel, ce qui lui donne un avantage précieux.
Multiplication des candidatures
Il serait comique que le camp social-démocrate des partisans de l'orientation gouvernementale actuelle rejoigne dans la division celui de ses critiques de gauche. Pas moins de quatre candidatures déclarées à la primaire socialiste se concurrencent déjà sur ce terrain: Gérard Filoche, Benoît Hamon, Marie-Noëlle Lienemann et Arnaud Montebourg.
Deux écologistes complètent le tableau de cette primaire, Jean-Luc Bennahmias et François de Rugy. Cette floraison des candidatures devrait servir le président sortant si, comme il est probable, il décide de se représenter, fort de la tendance à la baisse du chômage enfin survenue.
L'hypothèse de sa défaite n'en reste pas moins très sérieuse. Valls, qui laisse clairement entendre que Hollande serait un mauvais candidat, ne fera guère campagne à ses côtés. Surtout, l'époque juge sévèrement les anciennes gloires. Nicolas Sarkozy a été éliminé à la primaire de la droite tout comme Cécile Duflot à celle des écologistes. L'éviction de Hollande serait dans la logique des choses.
Hors primaires
Les divisions de la gauche débordent même le cadre de la primaire de janvier. Son aile libérale s'est émancipée avec la candidature d'Emmanuel Macron. L'ancien ministre de l'Économie dispose d'importants relais médiatiques et la radicalité de Fillon peut lui offrir un espace électoral.
À l'autre bout de l'échiquier, la gauche socialiste est menacée par Jean-Luc Mélenchon qui tire profit de son choix de tracer sa route sans attendre le résultat des palabres à la gauche de la gauche. Le ralliement du PCF à sa candidature –même décidé par une courte majorité de militants– est une nouvelle preuve de son attractivité. Mélenchon s'affirme ainsi comme le seul candidat de gauche d'envergure non conditionnel, ce qui lui donne un avantage précieux.
L'annonce d'une candidature hors primaire de la radicale de gauche Syvia Pinel achève de démontrer que l'anticipation d'une défaite du candidat socialiste libère les ambitions. Il est révélateur que le seul parti qui a accompagné le PS au gouvernement tout au long du quinquennat fasse cavalier seul à son issue. Personne ne souhaite visiblement être associé à la débâcle qui vient.
Le parti qui a imposé la loi Travail ne sera peut-être pas le mieux placé pour se poser en défenseur des acquis sociaux
Au secours, la droite revient
Entre Macron et Mélenchon, le candidat qui sortira de la primaire de la gauche aura fort à faire pour se frayer un chemin qui puisse le qualifier pour le second tour. L'orientation politique à défendre devant les Français ne sera pas aisée à définir. Les socialistes seront tentés de rejouer de la peur de la revanche conservatrice comme ils l'avaient fait en 1986 en brandissant le slogan «Au secours, la droite revient».
Le programme clairement conservateur et libéral de Fillon leur offre désormais plusieurs angles d'attaque. Encore le PS ne sera-t-il pas seul sur ce créneau. Le Front national devrait, lui aussi, pilonner la purge libérale promise par le candidat des Républicains. Et le parti qui a imposé la loi Travail ne sera peut-être pas le mieux placé pour se poser en défenseur des acquis sociaux.
Au demeurant, une posture défensive offre rarement une perspective de victoire. Le chemin de l'Élysée se dégagera plus aisément pour Fillon s'il parvient à installer son projet au cœur de la campagne présidentielle. Une partie de l'électorat frontiste pourrait même être séduite par sa figure d'autorité et son conservatisme affiché. Face à un puissant désir d'alternance, le candidat socialiste aura, pour sa part, bien du mal à dessiner un changement dans la continuité.
Article publié sur Slate.fr
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