Ils ont bigrement besoin l'un de l'autre. Ils se désignent mutuellement comme leur adversaire favori. Ils brûlent de jouer la match retour de 2012. Au-delà de leur opposition politique et de leur inimité personnelle, François Hollande et Nicolas Sarkozy apparaissent liés par une complicité chaque jour plus apparente. Les deux finalistes de la dernière élection présidentielle entendent bien croiser à nouveau le fer en 2017. Et chacun se sert de l'autre pour s'imposer dans son camp.
Cycle provocation-indignation
Sarkozy joue à merveille le rôle d'épouvantail à électeurs de gauche. Ses outrances verbales permettent aux partisans de Hollande de tenter, une fois encore, de rameuter les brebis mécontentes autour du placide berger qui siège à l'Élysée.
La seule petite chance du président sortant de se succéder à lui-même, il en est convaincu depuis longtemps, réside dans une nouvelle candidature de l'ancien chef de l'État. C'est ainsi qu'il le cible de manière transparente et régulière, comme ce fut encore le cas lors de son discours sur le terrorisme, salle Wagram à Paris.
Inversement, Sarkozy ne manque jamais une occasion de s'en prendre à «monsieur Hollande», un adversaire en or pour l'ancien président des Républicains. Les deux adversaires de 2012 s'étaientaffaiblis de manière concomitante dans la dernière période. Les voici qui tentent de réémerger de concert. Plus Sarkozy remonte la pente à droite et plus Hollande croit pouvoir retrouver son leadership à gauche.
Au discours clivant sur «l'identité» de l'un répond en écho le propos se voulant «rassembleur» de l'autre. Stéphane Le Foll teste déjà le slogan du vote utile: «Votez Mélenchon et vous aurez la droite et l'extrême droite au second tour de la présidentielle!» Le ministre de l'Agriculture, qui prépare ardemment la prochaine candidature de Hollande, est persuadé que celui-ci peut ressusciter à partir du moment où Sarkozy aura réussi à le sortir de l'enfer des sondages.
Deux très mal aimés
Rien ne dit toutefois que ces efforts réciproques pour se remettre en selle puissent être couronnés de succès. Les deux héros de la présidentielle de 2012 font toujours l'objet, à dix mois de l'échéance de 2017, d'une vive hostilité dans l'opinion.
Le chef de l'État ne remonte toujours pas la pente et se situe, d'après cet indice, dix-huit points en-dessous de Sarkozy à la même époque. Le mécontentement à son endroit, massif dans tous les autres électorats, est même majoritaire parmi les sympathisants socialistes! Dans les intentions de vote, Hollande stagne toujours à des niveaux extraordinairement bas pour un président sortant: 11 à 14% dans la dernière enquête BVA.
Par contraste, Nicolas Sarkozy a l'avantage de rester assez populaire dans son propre camp, ce qui lui permet de se qualifier pour le second tour de la présidentielle dans les intentions de vote. Mais l'ancien président ne s'est toujours pas réconcilié, loin s'en faut, avec les Français.
Sa «cote d'avenir» d'après le baromètre Kantar TNS a nettement chuté dans les derniers mois, même si elle s'est un peu redressée dernièrement. Seulement 23% des personnes interrogées souhaitent que Sarkozy «joue un rôle important dans les mois et les années à venir», soit à peu près autant que Marine Le Pen (24%) et bien moins qu'Alain Juppé (37%).
Nos systèmes démocratiques fatigués accouchent parfois de combats entre personnalités impopulaires. C'est le cas aux États-Unis où Hillary Clinton et Donald Trump ont pourpoint commun d'être perçus négativement par une large majorité d'Américains. On ne peut donc exclure que le jeu des primaires, sorte de «dictature des minorités» comme pourrait le dire l'ancien maire de Neuilly, aboutisse à la désignation de deux leaders dont les Français ne veulent plus.
Un tel scénario serait d'autant plus fâcheux que l'exercice du second mandat présidentiel est généralement problématique. Le général de Gaulle a connu de sérieuses difficultés après sa réélection de 1965. Bousculé par les événements de mai 1968, il a dû quitter le pouvoir prématurément à la suite de son échec au référendum de 1969.
Tout le monde s'accorde à reconnaître que le deuxième septennat de François Mitterrand a été plus laborieux que le premier. L'époque n'était plus aux grandes réformes, les scandales se multipliaient et ce second mandat s'est terminé par la cohabitation après une cuisante défaite législative de la gauche en 1993.
Le second mandat de Jacques Chirac fut plus paisible et s'apparentait plutôt à un prolongement de son premier mandat présidentiel dès lors que le chef de l'État avait perdu le contrôle de l'exécutif deux ans seulement après son élection de 1995. Mais l'usure du président s'était tout de même fait lourdement sentir au fil des ans.
Un second mandat de Hollande ou de Sarkozy serait source d'inquiétude pour des raisons différentes. Du côté du président sortant, on ne voit guère quelle dynamique pourrait provoquer son hypothétique réélection. Celle-ci ne pourrait intervenir que grâce, à nouveau, au rejet du sarkozysme, ce qui ne définit pas une politique. La simple volonté de garantir la «cohésion nationale» ne saurait tenir lieu de cap précis.
Un nouveau mandat présidentiel de Sarkozy exposerait, quant à lui, au risque de l'ivresse de la revanche. Enivré par sa reconquête de l'Élysée, fier d'avoir été le premier président battu à revenir au premier rang, le vrai/faux nouveau chef de l'État serait enclin à ne pas brider ses penchants autoritaires. Une situation d'autant plus potentiellement dangereuse qu'il se serait fait élire sur un discours très dur. Décidément, à plusieurs égards, le retour des finalistes de 2012 n'est pas le bienvenu.
Article publié sur Slate.fr
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