L’affaire est certes fort complexe. Et l’on peut comprendre la perplexité, voire les hésitations, de la classe politique française face à la violente crise des relations entre la Grèce et l’Europe. On n’en reste pas moins interloqué par la somme des contradictions qui éclatent dans chaque camp. L’hypothèse d’un «Grexit» donne visiblement le tournis aux responsables de tous bords.
La palme de l’incohérence peut sans conteste être attribuée à Nicolas Sarkozy. L’ancien président de la République, qui ne cesse pourtant de répéter que son successeur à l’Elysée est «nul» et que lui-même ferait cent fois mieux à sa place, a fait preuve d’une incroyable légèreté sur ce dossier.
La virevolte de Sarkozy
Dans une interview au Monde daté du 2 juillet, Sarkozy suppliait «ne pas céder» face au premier ministre grec, Alexis Tsipras, «qui refuse toute attitude raisonnable». Selon lui, le problème était désormais surtout de «savoir comment protéger la zone euro du désastre grec». Cette attitude était cohérente avec sa condamnation du gouvernement de grec, qui serait un ramassis d’extrémistes, et de son chef «qui ne partage aucune de nos valeurs», exprimée devant les militants de son parti le 4 juillet à La Ferté-Imbault (Loir-et-Cher).
C’est pourtant un tout autre son de cloche qu’a fait entendre le président des «Républicains», le 8 juillet, sur TF1. «Tout doit être fait pour trouver un compromis entre la Grèce et ses créanciers», a cette fois-ci déclaré l’ancien chef de l’Etat. Soudain accommodant, il est même allé jusqu’à dire qu’il partageait «ce point de vue exprimé par Monsieur Hollande et par Monsieur Valls», une attitude exceptionnelle de sa part!
De son côté, loin d’approuver l’attitude de l’exécutif, François Fillon accuse François Hollande de «finasser» et d’envoyer, sur cette crise, «des messages contradictoires en permanence». Pour sa part, l’ancien premier ministre de Sarkozy souhaite, par ailleurs, un «accord équilibré» pour maintenir la Grèce dans la zone euro.
Les ambiguïtés de Hollande
La prudence d’expression du chef de l’Etat l’a mis à l’abri du risque de se contredire ouvertement d’un jour à l’autre. Fidèle à son légendaire sens de l’équilibre, Hollande a placé son attitude face à la Grèce sous le double signe de la «responsabilité» et de la «solidarité». C’est curieusement la même expression qu’ont retenue les évêques de France lorsqu’ils ont pris la parole sur cette crise.
A en croire l’Elysée, le président a choisi l’efficacité en cherchant les voies d’un compromis entre Angela Merkel et Alexis Tsipras plutôt que l’affirmation d’une position tranchée de la France. Au risque de laisser penser que la priorité accordée à la cohérence du couple franco-allemand plaçait objectivement Paris dans la roue de Berlin.
Il faut beaucoup d’audace à certains observateurs pour défendre la thèse inverse et se demander «si dans le couple Hollande-Merkel, c’était le président français qui portait en réalité la culotte?» A tout le moins espère-t-on à l’Elysée qu’un accord final serait porté au crédit du conciliant et conciliateur président français...
Quant au premier ministre, Manuel Valls, il adapte son discours en fonction des événements au prix de quelques contradictions. «Une sortie de la Grèce (de la zone euro) serait grave pour le peuple grec, mais l'économie française ne serait en revanche pas affectée», osait-il fin juin. Changement de pied le 7 juillet: «Une sortie de la Grèce de la zone euro représenterait une menace pour l'économie mondiale», admet désormais Valls.
Le radoucissement de Mélenchon
La crise grecque a encore réussi le prodige d’adoucir le fougueux Jean-Luc Mélenchon. Le 5 juillet, devant le congrès du Parti de gauche, il s’emportait encore contre le «coup d’Etat financier» dont serait victime la Grèce de la part de l’Eurogroupe «avec la complicité stupide du président de notre pays».
Trois jours plus tard, l’ancien candidat à l’élection présidentielle est beaucoup plus indulgent à l’égard du chef de l’Etat qui aurait enfin compris «le sérieux de la situation»:
«Si François Hollande, pour une fois, saisit au rebond la balle de sa chance sur la scène européenne, eh bien, moi, j'applaudis, parce que je suis content quand la France est grande!»
Il est vrai que son parti est assez divisé sur l’attitude à adopter face à la monnaie unique. Lors de son récent congrès, un vif débat s’est soldé par un vote où 45% des militants ont approuvé un texte, opposé à celui de la direction, prônant une sortie de la zone euro.
Le Front national, lui-même, n’est pas à l’abri de différences de sensibilité et de contradictions sur le sujet. «Il faut que les Grecs mettent fin à l’euro», affirmait, le 29 juin, Florian Philippot, vice-président du FN. «Le scénario qu’il faut éviter, c’est que les Grecs soient jetés en dehors de l’euro», dit à l’inverse le principal conseiller de Marine Le Pen début juillet. La présidente de cette formation sait que la thématique d’une sortie de l’euro, prisée par Philippot, n’est pas la plus populaire chez ses électeurs.
Il est, en tous cas, piquant de constater que de nombreux adversaires de la monnaie unique européenne s’indignent que la Grèce puisse la quitter. L’euro serait une réalisation malheureuse mais il serait scandaleux d’en être expulsé... Jean-Pierre Chevènement a, au moins, le mérite de ne pas tomber dans cette contradiction. L’ancien président d’honneur du MRC, vétéran de l’opposition à l’euro, prône un «Grexit amical». Encore n’est-il pas prouvé que cette option-là soit réaliste.
Article publié sur Slate.fr
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