Les brutaux retournements du climat politique laissent pantois. Il y a seulement un mois, François Hollande se sacrait lui-même « prochain Président » et tout le monde y croyait. Aujourd'hui, la droite a retrouvé le sourire et la gauche panique.
« Sarko II, l'incroyable retour », a titré l'hebdomadaire Le Point. Le Figaro rapporte avec gourmandise que les foules provinciales interpellent désormais Nicolas Sarkozy d'un respectueux « monsieur le Président » et non plus par son prénom. Signe que le Président sortant aurait enfin acquis une stature présidentielle...
En face, le spectre de la « machine à perdre » est de retour. Nicolas Demorand, le directeur de Libération, n'hésite pas à accuser la gauche de verser dans la « folie politicienne ».
Des « intentions de vote » encore très sensibles
Tout ceci est-il bien raisonnable ? Une fois de plus, ce sont les variations des sondages qui ont bouleversé l'air du temps. Deux enquêtes ont révélé une chute des intentions de vote, au premier tour, pour Hollande : de 9 points pour LH2 et de 4 points pour BVA. Il n'en a pas fallu plus pour que nombre de commentateurs dissertent sur le dévissage du candidat socialiste.
C'est oublier que les « intentions de vote », à ce stade de la pré-campagne, restent très sensibles au degré d'exposition médiatique. Hollande retrouve, chez ces deux instituts, le niveau qui était le sien en juillet, avant la campagne de la primaire. Et si son score de second tour se tasse, il reste plus que confortable avec 58% contre Sarkozy.
Des tensions au sein même de la gauche
Plus ennuyeuses pour le candidat socialiste sont les tensions apparues au sein de la gauche.
Les cafouillages autour de l'accord PS-EELV ont mis en évidence des manières de faire de la politique peu glorieuses. Les dirigeants socialistes ont manifesté à la fois une certaine légèreté sur les dossiers et une sensibilité étonnante à la pression du lobby nucléaire.
De leur côté, les responsables écologistes ont privilégié leurs intérêts électoraux au détriment de leurs positions de principe. La maladresse d'Eva Joly, qui admet ne pas maîtriser les « codes de la politique », n'a fait qu'aggraver les choses.
L'anti-sarkozysme encore d'actualité
Il en faudrait toutefois beaucoup plus pour bouleverser vraiment la donne de la prochaine campagne présidentielle.
L'anti-sarkozysme demeure une caractéristique majeure de la période. La légère remontée de popularité du Président sortant ne saurait masquer son handicap face à son principal concurrent : d'après le panel électoral Ipsos, les rapports entre bonnes et mauvaises opinions de Hollande et de Sarkozy sont pratiquement inversés (respectivement 60% contre 38% et 37% contre 62%).
Le tableau de bord présidentiel de TNS-Sofres indique, de manière convergente, que seulement 17% des sondés souhaitent la victoire de Sarkozy contre 31% celle de Hollande.
Attaques d'une UMP sans candidat déclaré...
Parions que le candidat socialiste, au-delà des soubresauts de l'actualité, restera en position de favori au cours de la campagne. C'est même ce statut qui lui posera problème. Par une sorte d'effet de gravitation politique, le vainqueur probable concentre sur lui les attaques des autres candidats. Hollande doit s'attendre à être pris sous le feu de tirs croisés venant de tous les horizons.
La droite n'a pas attendu pour le pilonner. L'UMP axe d'autant plus sa campagne sur la critique du candidat socialiste qu'elle ne dispose pas encore de candidat déclaré et qu'elle peine à produire un programme clair.
La convention de Lambersart (Nord) du 22 novembre a accouché d'un texte de compromis entre les sensibilités du Parti à la fois peu original et peu convaincant. Il est plus facile, pour cette formation, de brocarder les socialistes.
... et de Bayrou, pour attirer l'électorat modéré de droite
Le centre, lui aussi, tapera sur Hollande. François Bayrou sait que son créneau n'est plus ce qu'il était en 2007. A l'époque, il pouvait récupérer une fraction de l'électorat modéré de gauche, allergique au style de Ségolène Royal. Le candidat démocrate privilégia, en conséquence, l'attaque contre Sarkozy.
En 2012, Bayrou va surtout essayer d'attirer l'électorat modéré de droite qui ne veut plus du Président sortant. Il en sera conduit à durcir le ton à l'égard de la gauche et de son principal candidat.
Gare ! Le « pédalo » de Mélenchon a déjà déplu
On l'a déjà constaté, Hollande aura aussi à faire face à des critiques émanant de sa possible future majorité.
Eva Joly et Jean-Luc Mélenchon ne peuvent faire vivre leur candidature sans s'en prendre au champion socialiste. Dans les deux cas, ils doivent toutefois prendre garde à ne pas aller trop loin au risque de fâcher les partis qui les soutiennent.
Le tranchant de l'ancienne magistrate devra composer avec les intérêts bien compris de responsables écologistes désireux de participer au pouvoir à tous les niveaux.
Quant au candidat du Front de gauche, ses attaques contre le « capitaine de pédalo » Hollande ont déplu à la direction ainsi qu'aux élus du PCF.
Des attaques contradictoires qui s'annulent ?
Pris sous une pluie de projectiles divers, Hollande se consolera en espérant que les attaques contradictoires s'annuleront aux yeux de l'opinion.
Sur le dossier du nucléaire, la droite l'accuse de brader ce secteur industriel où brille la France tandis que les écologistes lui reprochent, à l'inverse, une complaisance à son égard. Les électeurs en concluront peut-être que le candidat socialiste respecte la règle de l'équilibre qui est son viatique.
Etre au milieu des attaques, c'est aussi occuper le centre de gravité du débat public. A condition, bien sûr, d'échapper au trou noir.
Article publié sur Rue89.
Vous dites que " Les dirigeants socialistes ont manifesté à la fois une certaine légèreté sur les dossiers et une sensibilité étonnante à la pression du lobby nucléaire."
Si Daladier est battu en 2012, Hollande devra négocier avec Hitler. Pourvu que les négociations n'aient pas lieu à Munich. Il devrait alors faire preuve de beaucoup de volonté s'il ne veut pas à son tour capituler. Finalement, je crois que j'aimerais assez voir ça.
Rédigé par : Flamant rose | 25 novembre 2011 à 18h45
Ne pas sous-estimer Sarkozy ; J'avais écrit un com en ce sens sous votre article "Sarkozy ... situation désespérée" et il est certain qu'il a encore plusieurs cartes en main (stratagèmes) ; l'histoire du Carlton devait sans doute sortir au cours de la campagne. Et aujourd'hui étrange histoire avec Morin ; mais NS peut aussi être balayé par exemple par la crise (nos taux d'emprunt montent tranquillement vers l'insupportable.)
"Le centre, lui aussi, tapera sur Hollande. François Bayrou sait que son créneau n'est plus ce qu'il était en 2007."
ce n'est pas l’intérêt de Bayrou de taper sur les candidats. Il tapera plus volontiers sur les programmes comme par exemple sur la faisabilité du programme PS qui était mort-né avec moins de 1% de croissance prévue (2,5% prévu par le PS en 2013) et ce fameux accord de coin de table PS-EELV (le veto de l'ONU... ). Et Hollande lui a donné raison à chaque fois
les cotes de confiance de Bayrou sont en hausse chez les sympathisants de gauche. dans tous les instituts de sondages.
sondages d'intentions de vote : la moitié des électeurs n'ont pas choisi. Et une partie de ceux qui disent avoir choisi vont changer. perso je les regarde de loin
Rédigé par : pikpik | 28 novembre 2011 à 19h48
"Les électeurs en concluront peut-être que le candidat socialiste respecte la règle de l'équilibre"
effectivement feront-ils cet effort intellectuel ? Chacun entend d'abord l'argument qui lui convient ... et ensuite ?
c'est terrible le nucléaire pour Hollande : les écolos font leur beurre dessus et Hollande veut un grand débat APRèS son élection
Il a a la fois tort et raison : si on ne fait pas un débat sur l'avenir énergétique pendant la présidentielle quand le fera -t-on ?
et en même temps, il faudrait aborder plus calmement ce débat, ce qui n'est pas vraiment possible au cours d'une campagne qui s'annonce dure
Rédigé par : pikpik | 28 novembre 2011 à 20h04
A propos de l’accord PS-EELV abordé dans ce texte. Ce psychodrame chez les Verts est tout simplement incompréhensible. Il est bien évident qu’avec le scrutin majoritaire à 2 tours, les Verts sont condamnés à un accord électoral avec le PS, sous peine d’être complètement laminés et non représentés à l’Assemblée nationale. Cet accord passe nécessairement par un partage de circonscriptions avec le PS, et donc par des concessions au plan politique. C’est ce qui s’est passé, dans des conditions qui ne sont en rien infamantes pour les Verts, puisque cet accord est pour l’essentiel un constat de désaccord. Ce qui laisse ouvert l’option du soutien sans participation, modèle 1936 rectifié 2012. Tout ceci a du sens et conforme à la logique politique. Le PS, lui, obtient ce qu’il voulait : le désistement des écologistes à la Présidentielle puis aux Législatives, dont il a absolument besoin. Est-il utile de préciser à Eric Dupin qu’un accord électoral n’est jamais glorieux, et qu’on sacrifie toujours quelque chose quand on passe un compromis, surtout quand on n’est pas le plus fort ?
Tout ceci a d’autant plus de sens que les Verts ont deux fers au feu avec une candidate à l’élection présidentielle qui n’est pas tenue par les termes de cet accord, et peut continuer de promouvoir librement les positions des Verts sur la question nucléaire. C’est le principe du découplage présidentielles-législatives, que peuvent se permettre les Verts puisque, de toutes les façons, la victoire à la Présidentielle n’est pas un objectif réaliste pour eux. Tout ce que demande l’état major des Verts à Eva Joly, c’est de dire qu’elle se désistera pour le candidat du PS ; ce n’est tout de même pas le bout du monde. Dans cette affaire, les Verts sont dans une extraordinaire position de confort. Ce qui n’est pas le cas du PS qui ne peut pas aller trop loin dans le découplage Parti-candidat à la Présidentielle puisqu’il est candidat à gouverner le pays. Entre le candidat et le Parti, il ne peut pas y avoir de gros hiatus, tout au plus des nuances.
Et voilà qu’Eva Joly fait tout un pataquès, et déclare qu’elle ne se désistera pas pour Hollande ! La malheureuse ne comprend vraiment rien à la politique, même au niveau le plus élémentaire. Décidément, les Verts ne sont pas des gens sérieux.
Rédigé par : René Fiévet | 28 novembre 2011 à 21h49