Le candidat François Hollande sait-il où il habite ? Sa difficulté à s'installer dans un local de campagne – des bureaux provisoires se partageront avec le siège du PS avant le point de chute final – symbolise assez bien l'ambiguïté de sa démarche.
Le vainqueur des « primaires citoyennes » se libère de ses attaches politiques, des engagements de son parti comme de ses alliances, sans impulser encore sa propre dynamique.
Hollande n'est plus le candidat du projet socialiste
Pendant la campagne de la primaire, contrairement à Martine Aubry, François Hollande ne s'appesantissait guère sur le « projet socialiste ». Mais le président du conseil général de la Corrèze se gardait bien de le critiquer.
Ne s'en distinguant que par quelques propositions personnelles – comme le « contrat de génération » – il expliquait que tous les candidats étant d'accord avec ce projet, les électeurs devaient simplement choisir le plus capable de rassembler pour battre Nicolas Sarkozy. « Le projet socialiste m'engage », affirmait encore Hollande le 2 octobre.
Une fois élu, la chanson n'a plus été la même. Les proches du candidat vainqueur se sont chargés de porter la triste nouvelle. En raison de l'aggravation de la crise, le projet socialiste adopté en mai 2011 ne serait plus applicable. Dés le 31 octobre, Jérôme Cahuzac, président de la commission des Finances de l'Assemblée nationale, avertit les populations :
« François Hollande puisera dans ce programme mais ne pourra réaliser la totalité de ce programme car tout simplement les moyens du pays ne le permettent pas. »
Il laisse entendre que les 300 000 « emplois d'avenir » prévus par le PS seront sacrifiés au profit du « contrat générationnel » hollandais.
Autre exemple : le 20 novembre, François Rebsamen explique que l'embauche de 10 000 policiers supplémentaires, prévue par le projet, « ne pourra pas se faire comme cela, d'un coup de baguette magique » et qu'il s'agira surtout de « sanctuariser les effectifs » actuels.
Pierre Moscovici, directeur de campagne de Hollande, précise qu'il y aura « un projet présidentiel légèrement différent » du projet socialiste en raison de la conjoncture mais aussi parce que le vainqueur de la primaire ne s'appelle pas Aubry qui, observe-t-il, « aurait sans doute été la garantie sourcilleuse du projet ». Comprenez qu'avec Hollande, la différence ne sera pas négligeable.
Hollande n'est plus engagé par l'accord PS-EELV
Là encore, la prise de liberté de Hollande n'a pas été immédiate. Dans un premier temps, l'accord de mandature passé entre le PS et EELV semblait suffisamment engager le candidat pour qu'il reprenne en main, par l'intermédiaire de ses lieutenants, les négociations bien avancées entre socialistes et écologistes.
Sur les questions économiques, le texte final est d'ailleurs d'une tonalité nettement plus modérée que celui auquel avait abouti les groupes de travail, ce dont s'est ému Alain Lipietz. L'économiste écologiste déplore un recul par rapport au projet du PS sur des points importants comme les retraites. Le droit de partir à 60 ans est désormais limité à « ceux qui ont commencé à travailler tôt ou exercé des métiers pénibles ».
Les dispositions de l'accord PS-EELV semblaient d'autant plus contraignantes que les dirigeants socialistes se sont permis de caviarder le passage sur le MOX au prétexte qu'il aurait pu être interprété différemment par les deux parties.
Une deuxième polémique, relative à la suppression du droit de véto au conseil de sécurité de l'ONU, a cependant conduit Hollande à se distancier nettement de ce texte. Non seulement, il a clairement défendu le droit de véto de la France, mais il a affirmé vouloir faire le tri dans les propositions de l'accord, n'en retenant que « les mesures qui me paraissent les plus essentielles ».
Au passage, le candidat a ainsi confié qu'il n'était pas favorable à ce qu'un étranger puisse devenir maire alors que l'accord PS-EELV parle d'éligibilité des étrangers aux élections locales...
Hollande ne se limite plus au rassemblement de la gauche
Le refus de l'alliance au centre fait partie des principes identitaires du socialisme français depuis les années 70. François Mitterrand avait fortement déplu au PS avec sa politique d'ouverture de 1988 alors même qu'elle se limitait à débaucher des individualités de la droite modérée. Hollande n'a pourtant pas attendu que François Bayrou se déclare officiellement candidat pour envisager qu'il rejoigne sa propre majorité présidentielle :
« Si François Bayrou fait un choix – nous verrons lequel – au second tour, eh bien il sera dans la majorité présidentielle qui se sera constituée autour du vainqueur du second tour, s'il a appelé [à voter] pour le bon candidat, sous-entendu celui que je pourrais représenter. »
Ce n'est pas la première fois que Hollande s'adresse au leader centriste. Dés 2009, il lui proposait un dialogue pour clarifier convergences et divergences. La main tendue à Bayrou permet à Hollande d'espérer conserver la notable fraction de l'électorat centriste qui se porte aujourd'hui sur sa candidature. Au risque de faire vivement réagir sur la gauche du PS, Jean-Luc Mélenchon ayant d'ores et déjà agité le spectre d'un « divorce ».
En panne d'enthousiasme
Toutes ces libertés que s'octroie Hollande visent, bien sûr, à lui donner une stature présidentielle, planant au-dessus des partis, des tractations et des camps. C'est la logique de la Ve République.
Mais le candidat socialiste se défait plus facilement de ses liens qu'il ne creuse son propre sillon. En cette drôle de campagne où il se bat contre un adversaire non déclaré, Hollande ne suscite guère l'enthousiasme. Seulement 30% (enquête BVA) ou 31% (enquête TNS-Sofres) des électeurs souhaitent sa victoire même si une majorité la pronostiquent.
Au fond, Hollande est d'abord et avant tout le candidat de l'anti-sarkozysme. Il n'y a pas de quoi rêver.
Article publié sur Rue89.
Les médias ,les éditorialistes ont ça de particulier qu'ils disent tous la même chose au même moment :on porte aux nues quelqu'un puis on l'attaque ! Hollande se dit normal ,ce qui doit vouloir dire qu'il va défendre des valeurs de solidarité et d'égalité et non faire des annonces intempestives jamais suivies d'effet .Ne lui reprochons pas de ne pas être Eva Joly ou Martine Aubry ou Sarkozy !La vraie question ,c'est le moment vertigineux où nous nous trouvons ,que personne ne maitrise .
Rédigé par : catherine Brachet | 03 décembre 2011 à 16h20
@Catherine Brachet
Je n’ai pas l’impression que, dans ce texte, Eric Dupin aille dans le sens du vent des médias, qui pointent plutôt les faiblesses de l’organisation de la campagne de Hollande et aussi les défauts (supposés) de personnalité du candidat. Et il est vrai que les médias sont prompts à brûler ce qu’ils adoraient encore il y a à peine 2 mois.
Ici, l’analyse d’Eric Dupin est d’ordre plus politique. Il pointe ce qui est, me semble t-il, une caractéristique très forte de la candidature Hollande, à savoir qu’il s’agit d’une candidature de type « centriste ». J’entends par « centriste », une candidature de gauche qui vise dès le premier tour à rassembler une partie de l’électorat centriste. En laissant donc, de façon un peu inéluctable, un espace politique aux candidats à la gauche du PS. On pense notamment aux Verts et au Front de gauche.
Ce choix de candidature de type centriste, c'est-à-dire rassurante et apaisante (pour reprendre les propres termes de Hollande dans son interview à Libération du 15 octobre) est un choix stratégique qui repose sur l’idée que le vote présidentiel de 2012 sera essentiellement un vote de rejet de Sarkozy, plutôt qu’un vote positif sur un projet de société ou un programme. Et les voix de gauche qui auront été perdues au premier tour reviendront au bercail tout naturellement au second tour. C’est la seule façon de gagner dans un contexte politique général où l’électorat de gauche est minoritaire en France, et de plus en plus à mesure que la population vieillit. Voilà l’idée.
Ce type de campagne convient bien à la personnalité de Hollande, qui est essentiellement un « politicien reflet » ; il a toujours fonctionné de cette façon, en se définissant par rapport aux autres, jamais par rapport à lui-même et ses propres idées. Il n’est jamais dans l’action, toujours dans la réaction. Le rejet de Sarkozy est son principal atout, et semble lui tenir lieu de campagne électorale. Les thème de l’équilibre, de la normalité, du raisonnable reviennent couramment dans ses discours, comme pour mieux l’opposer à Sarkozy et ses excès. Cela désole évidemment beaucoup de ceux qui aimeraient une gauche plus conquérante, plus affirmée au plan idéologique. De ce point de vue, le thème de la « gauche molle » développé par Aubry durant la Primaire socialiste ne manquait pas de pertinence.
Toutefois, ce qui fait actuellement la force de la candidature de Hollande pourrait devenir sa faiblesse, si l’anti-sarkozysme, qui semble structurer l’opinion française depuis de longs mois, venait à diminuer à mesure que Sarkozy entre dans la campagne et développe des thèmes mobilisateurs. Mais est-ce vraiment possible ? Sarkozy semble plombé par son bilan, avoir perdu toute crédibilité. Sans être désespérée, sa situation apparaît très compromise.
Et si c’était Hollande qui avait raison en définitive, du moins du strict point de vue de l’efficacité électorale ? Et si la gauche, à force d’être molle, avait fini par trouver la clé de la victoire ?
Rédigé par : René Fiévet | 05 décembre 2011 à 21h15
//Au fond, Hollande est d'abord et avant tout le candidat de l'anti-sarkozysme. Il n'y a pas de quoi rêver.//
Et c'est la seule et unique raison qui me fera voter pour lui, si ça se trouve, dès le premier tour. J'ai pas de quoi rire.
Rédigé par : PMB | 05 décembre 2011 à 23h20
Au fond, Hollande c'est DSK moins les pépettes et la kékette.
Ouais... (cri de joie mesuré au microscope)
Rédigé par : PMB | 05 décembre 2011 à 23h22
Eric Dupin, impossible de trouver votre article sur Rue89 tellement leur moteur de recherche interne est m.rdique.
Pourriez-vous le mettre en lien direct au bas de votre article ? Merci d'avance !
Rédigé par : PMB | 05 décembre 2011 à 23h29
@René Fiévet
Votre analyse me semble pertinente ,mais ce que je voulais dire, c'est mon étonnement devant ces analyses des médias au jour le jour ,sans recul .Reconnaissez qu'Eric Dupin fait comme les autres dans cet article en laissant penser que Hollande est en perte de vitesse .Je ne le crois pas (60 -40 ,toujours dans les derniers sondages ) et toujours Sarkozy qui gesticule et ne convainc personne (un traité sorti de nulle part ,des accusations sur les fraudeurs de tout poil et la germanophobie des uns ,etc...)Et si un président calme et à l'écoute c'était possible ?Pas d'idéalisation mais un peu de retour de la démocratie ,cela n'empêche pas de la fermeté dans les décisions .
Rédigé par : catherine Brachet | 06 décembre 2011 à 10h40
@Catherine Brachet
A mon avis, Eric Dupin se contente de dire que Hollande ne suscite pas l’enthousiasme, ce qui me paraît exact, car assez bien mis en évidence par les sondages d'opinion. Et dans sa précédente communication, il relativisait précisément la soi-disant perte de vitesse du candidat socialiste dans les sondages, dont les médias font leur choux-gras. Comme il est difficile parfois de se faire comprendre…
Vous semblez penser que l’enjeu de ces élections c’est de substituer un bon président à un mauvais président. Et surtout, qu’il y aura plus de démocratie avec Hollande qu’avec Sarkozy. Quelle illusion! Je voterai pour Hollande bien sûr, mais nous n’aurons pas plus de démocratie pour autant : nous continuerons d’avoir un président qui a tous les pouvoirs, car c’est la logique même du présidentialisme à la française. Le style sera différent, c’est tout. De ce point de vue, mon pessimisme est total.
Rédigé par : René Fiévet | 07 décembre 2011 à 00h31
"nous continuerons d’avoir un président qui a tous les pouvoirs, car c’est la logique même du présidentialisme à la française."
Cela ira même beaucoup plus loin, puisque logiquement l'Assemblée Nationale sera Rose, les régions (22/24) sont déjà à gauche, la plupart des villes moyennes et grosses sont à gauche et cerise sur le gâteau le Sénat vient de basculer à gauche, elle est pas belle la vie démocratique future en France? Qui parlait il y a quelques années d'un Etat RPR pour s'en plaindre, les politiques sont les personnes qui ont la mémoire la plus courte ou alors ils sont tous atteints de la maladie d’Alzheimer.
Rédigé par : Arravanne | 07 décembre 2011 à 10h37
On ne va pas reprocher à un parti de gagner des élections ! on peut espérer que le PS tiendra certaines promesses concernant les réformes institutionnelles ,d'autant que pour la première fois il aura les moyens de le faire (majorité aux 2 chambres ).Pas d'angélisme (Mitterrand ... ),mais peut -être un peu moins de cynisme avec Hollande .On verra !
Rédigé par : catherine Brachet | 07 décembre 2011 à 13h12
Aravanne, la démocratie c'est ça : si un parti est majoritaire c'est par les élections !
Le hic c'est que cette gauche n'est guère de gauche. Voir ça :
http://www.mediapart.fr/journal/france/051211/rhone-alpes-le-juge-interdit-la-region-ps-de-fermer-un-lycee
Rédigé par : PMB | 07 décembre 2011 à 14h48
@ Eric Dupin
Je me demande si FH est bien le candidat du PS non seulement parce que les grands barons socialistes ont plus de chances de retrouver leurs postes de présidents d'exécutifs locaux en demeurant dans l'opposition mais aussi parce que MA et ses alliés n'ont peut-être pas renoncé à diriger le pays. Dans l'hypothèses où NS (ou FB) serait (ré)élu, le PS pourrait en effet espérer remporter les législatives et MA, en tant que 1ère secrétaire du PS, serait alors nommée à Matignon.
Rédigé par : chatel | 19 décembre 2011 à 07h40