« Sarkozy est dans la situation de Giscard avant 1981 », juge François Hollande avec gourmandise. Le parallèle des destinées entre le troisième et le sixième président de la Ve République est, en effet, assez frappant.
Tous deux ont débuté leur règne en majesté, portés par l'espérance réformatrice et osant une magnanime ouverture, pour finir sous une pluie de critiques et d'affaires compromettantes. Nicolas Sarkozy a même curieusement fait référence à Giscard en reprenant récemment à son compte la formule du « bon choix » de 1978.
Le candidat socialiste fraîchement désigné, et investi ce samedi par son parti, se présente d'ores et déjà comme « le prochain Président ». Ce n'est peut-être pas très inspiré, tant les électeurs ne goûtent guère ceux qui semblent excessivement confiants en leur victoire.
Mais il faut bien admettre qu'en cet automne le cas du candidat Sarkozy paraît assez désespéré.
1. Aucun Président gouvernant n'a jamais été réélu
On le répète, tous les Présidents qui ont sollicité un nouveau mandat ont été réélus, à l'exception de Valéry Giscard d'Estaing. Rien ne serait plus facile que d'être reconduit à l'Elysée. A y regarder de plus près, un tout autre éclairage s'impose. Sous la Ve République, aucun Président sortant en phase avec la majorité gouvernante n'a jamais encore réussi à être réélu.
- en 1965, le général de Gaulle fut le premier président à être élu au suffrage universel direct. En 1958, il avait seulement été désigné par un collège de « grands électeurs ». Et lorsqu'il a mis sa responsabilité en jeu quatre ans plus tard, lors du référendum de 1969, il a été battu et a quitté le pouvoir ;
- Georges Pompidou est mort trop tôt (1974) pour tenter une quelconque réélection ;
- Giscard, on le sait, a échoué en 1981 ;
- quant à François Mitterrand et Jacques Chirac, ils ont été réélus (respectivement en 1988 et 2002) comme présidents de cohabitation. Ils avaient perdu le contrôle de la majorité parlementaire et ne conduisaient plus l'action gouvernementale.
Si Sarkozy parvenait à se faire réélire en 2012 après avoir piloté lui-même les affaires du pays pendant cinq ans, ce serait une première.
2. Aucun Président n'a jamais été aussi impopulaire
C'est le lot habituel des gouvernants que d'essuyer l'impopularité. Chaque Président a connu des périodes de désamour avec les Français plus ou moins longues.
De Gaulle n'a vraiment irrité le pays qu'en 1963, lors de la grande grève des mineurs. Pompidou a vécu un septennat avorté mais paisible. La cote de Giscard n'a basculé dans le rouge qu'aux alentours de 1977 puis dans les derniers mois de son septennat.
Mitterrand, lui, a été rejeté pendant une longue période, de 1983 à 1986, pour cause de « rigueur » mal digérée. Et Jacques Chirac fut impopulaire des grandes grèves de décembre 1995 à la fin 1997.
Mais Sarkozy explose tous les records. Selon le baromètre historique de l'Ifop (la même question est posée pour tous les Présidents depuis 1958), il décroche haut la main le pompon de l'impopularité.
L'actuel Président a réussi la prouesse de susciter plus de « mécontents » que de « satisfaits » tous les mois depuis janvier 2008 ! Déjà presque quatre ans d'impopularité continue.
Sarkozy a même très souvent rencontré l'hostilité de deux Français sur trois. Aux dernières nouvelles, seulement 32% des sondés s'en disent « satisfaits » contre 67% de « mécontents ».
Pour mémoire, en septembre 1980, Giscard venait tout juste dans basculer dans un solde négatif avec 41% de « satisfaits » et 42% de « mécontents ».
3. Aucun Président sortant n'a jamais eu aussi peu d'intentions de vote
A sept mois d'une élection présidentielle, il ne faut évidemment pas prendre les enquêtes d'intentions de vote au pied du chiffre. La campagne n'a pas encore joué ses effets. Elles n'en indiquent pas moins un point de départ à prendre en considération. Là encore, le cas Sarkozy est de nature à susciter la compassion.
Trois sondages récents (enquête BVA, enquête CSA, enquête Ifop) le donnent largement devancé par Hollande (35 à 39% contre 23 à 25%) au premier comme au second tour (60 à 64% pour Hollande) de la présidentielle. Rien à voir avec la situation de ses devanciers.
En octobre 1980, la Sofres attribuait encore 57% des intentions de vote à Giscard pour le second tour. Mitterrand fut très tôt le favori de l'élection de 1988. Contrairement à ce que l'on prétend parfois, les enquêtes d'opinion furent très partagées sur les chances respectives de Lionel Jospin et de Jacques Chirac avant que ne s'engage la campagne de 2002.
Il est sans précédent pour un président sortant, bénéficiaire des avantages de la fonction et pouvant même prétendre à quelques succès au plan international, d'être aussi bas dans les intentions de vote à sept mois du scrutin.
Il n'est certes jamais impossible de remonter la pente. La campagne de 2012 ne manquera pas d'être riche en péripéties et rebondissements. Mais il faudra à Sarkozy une chance et un talent extraordinaires pour redresser une situation aussi compromise.
Cela tombe bien : lui-même est intimement persuadé de posséder l'une comme l'autre.
Article publié sur Rue89.
Ne disait-il pas qu'il ne ferait qu'un quinquennat, sachant déjà que des réformes profondes sont disqualifiantes pour une réélection ? "En 5 ans, j'aurai fait toutes les réformes".
Ce qui me surprend beaucoup, c'est cette inconsistance au plus haut niveau, ce manque de cohérence, sauf quand il s'agit d'aider le 1% de la population, ces demies mesures qui laisseront une impression d'absence, et après qu'il aura pourtant tout bien analysé, qu'il se prenne une telle gamelle. Pourquoi en avoir fait si peu et en redemander ?
Côté popularité, du point de vue sidéral (astro), il est "mort" jusqu'en 2018. Alors que pour son élection, il était en période solaire. Il illuminait, autant qu'il refroidit aujourd'hui.
Merci pour vos articles.
Rédigé par : wxc azerty | 23 octobre 2011 à 11h06
"The situation is hopeless but not serious" dans ce petit livre Paul Watzlawick parle des Austro-Hongrois. La + haute disctinction dans l'armée austro-hongroise était attribuée à l'officier qui avait sauvé une situation désespérée en désobéissant aux ordres. Sarkozy n'est pas un latin. Il faut prendre en compte cet élément. C'est sans doute cette différence culturelle avec un pays plutot latin qui a conduit a sa situation d'échec actuelle. Mais dans quelques situations extrêmes, il a montré des facilités a s'en tirer. Il peut inverser une situation désespérée en deux coups de cuiller à pot (ou pas ). Surtout ne pas le sous-estimer.
Rédigé par : pikpik | 25 octobre 2011 à 12h41
Une approche des choses, une vision des choses ça peut se discuter si on a pas les mêmes. Personnellement je distingue vision et information, ce que vous ne semblez pas faire. Je ne critique pas votre façon de voir les choses, c'est votre approche, point et il n'y a rien à dire. En revanche dans le paragraphe 2 ce n'est pas d'une vision dont vous faites état, mais vous informez, vous affirmez même et là cela me gêne un peu plus car vos affirmations sont inexactes.
Vous affirmez ceci "aucun président n'a jamais été aussi impopulaire" et pour justifier vos propos vous écrivez je vous cite " Aux dernières nouvelles, seulement 32% des sondés s'en disent « satisfaits » contre 67% de « mécontents ". Voici pourquoi vos affirmations sont fausses:
En septembre 1983, 59% des personnes interrogées se déclarent insatisfaites de François Mitterrand contre seulement 24% de satisfaits. En novembre 1984 un autre sondage ne donne que 26 % de satisfaits ce qui fait écrire à Serge July dans "Libération" je cite " L'impopularité de Mitterrand a pris une telle ampleur qu'elle constitue l'une des grandes interrogations de ce septennat". Après la nomination de Laurent Fabius les sondages ne s'arrangent guère car si Fabius domine Rocard par 57% contre 51%, Mitterrand est toujours à 27% ( Sofres- le Figaro Magazine du 7 avril 1985).
En ce qui concerne Jacques Chirac, comme Mitterrand , lui aussi a été en desous de 32 % de satisfaits. Après le retrait du CPE seuls 29% de nos compatriotes se disaient satisfaits et 70% insatisfaits. Chirac était descendu encore plus bas puisque à la suite du "non " au référendum, il était, comme Mitterrand , decendu à 24 % de satisfaits contre 74% d'insatisfaits (TNT- Sofres pour le Figaro-Magazine).
Lorsque vous affirmez qu'aucun président n'a jamais été aussi impopulaire que Nicolas Sarkozy avec ses 32%, ça passe dans l'opinion. J'ajoute que même côté "mécontents" avec 67% Sarkozy est en dessous des 74% de Chirac.C'est ainsi qu'on manipule l'opinion. Avec 24%, Mitterrand et Chirac ont atteint des records d'impopularité abyssaux, Sarkozy avec ses 32 % est encore aujourd'hui 8 points au-dessus.
Rédigé par : Flamant rose | 25 octobre 2011 à 17h56
Je me demande si l'un des effets pervers -parmi d'autres- de la primaire socialiste n'est pas de faire bénéficier le vainqueur de l'élection de cet état de grâce dont ont profité tous les présidents de la république nouvellement élus, y compris, d'ailleurs, NS lui-même. Sachant que cet état de grâce ne dure que 6 mois (la curiosité exige la nouveauté), il se pourrait fort que la cote de popularité de FH retombe en quelque sorte naturellement au début de la campagne électorale et que, simultanément et automatiquement, celle de NS se redresse. De ce point de vue, son cas n'est peut-être pas aussi désespéré qu'il ne paraît.
Rédigé par : chatel | 25 octobre 2011 à 18h32
@Flamant rose
Avant d'employer de grands mots ("c'est ainsi qu'on manipule l'opinion"), vous devriez me lire plus attentivement. En parlant de record d'impopularité pour un président sous la Vème République, je faisais explicitement référence à la durée de son solde négatif au baromètre Ifop, effectivement sans précédent (déjà près de quatre ans) et non au niveau le plus bas atteint ponctuellement.
Sur ce point, en effet, il y a eu pire que Sarkozy même si les chiffres que vous citez ne sont pas les bons (ils proviennent du baromètre Sofres alors que seul celui de l'Ifop, au libellé de question différent, permet des comparaisons historiques rigoureuses). C'est en mars 1993 que Mitterrand a atteint son pic d'impopularité avec 24% de satisfaits. Chirac, lui, est descendu à 27% en juin 2006. Toujours selon le même baromètre, le point le plus bas de Sarkozy est légèrement supérieur avec 28% de satisfaits en avril 2011.
Rédigé par : Eric Dupin | 26 octobre 2011 à 09h35
Eric Dupin
Le titre de votre paragraphe : " Aucun Président n'a jamais été aussi impopulaire" est écrit en gros caractére et en gras. Stricto sensu c'est faux et je vous cite les cas de Mitterrand et de Chirac. Vous ne faites pas mention de durée dans ce qui attire l'oeil.
"Mais Sarkozy explose tous les records. Selon le baromètre historique de l'Ifop (la même question est posée pour tous les Présidents depuis 1958), il décroche haut la main le pompon de l'impopularité." Cela vient en renfort du titre et là encore il n'y a aucune notion de durée.
Il faut arriver au 4 éme paragraphe pour trouver cette notion. En clair, de votre article il en ressort que Nicolas Sarkozy aura été le président le plus impopulaire et que la durée n'est qu'un plus pour accentuer la chose.
Si ce n'est pas de la manipulation ça y ressemble, ou alors c'est un manque de rigueur dans votre profession de journaliste. Vous utilisez les mêmes méthodes que les commerciaux avec un slogan accrocheur (qui est par ailleurs inexact) et le reste dans la partie "voir conditions" pour vous couvrir en cas de contestation, ce que vous avez d'ailleurs fort bien fait. Je ne fais pas partie de ceux qui se laissent abuser.
Rédigé par : Flamant rose | 27 octobre 2011 à 10h06
Flamant rose,
Je vous laisse à votre mauvaise foi et/ou à votre esprit partisan. Les lecteurs jugeront. Point final, en ce qui me concerne.
Rédigé par : Eric Dupin | 27 octobre 2011 à 10h12
Si Sarkozy n'est pas réélu, c'est que la bonne vieille technique du bouc émisssaire (ce que recouvre quasi entièrement, pour moi, ce que vous appelez son "talent"), n'aura plus fonctionné.
Et ce sera une excellente nouvelle pour notre pays.
Rédigé par : D.H. | 27 octobre 2011 à 17h01
@ Flamant rose
Les pics d'impopularité de FM et JC se sont produits au terme de leur deuxième mandat. Que NS soit presque aussi impopulaire qu'eux alors qu'il envisage de se représenter est en effet particulèrement inquiétant, en tout cas pour lui et ceux qui le soutiennent.
Néanmoins, la bonne cote de FH dans l'opinion ne doit pas faire illusion. Il bénéficie, comme les présidents fraîchement élus, d'une sorte d'état de grâce depuis les primaires. Mais celui-ci n'excédant pas en principe 6 mois, la cote de popularité de FH devrait baisser opportunément (pour NS) lors de son entrée en campagne. Encore une erreur du PS (qui les collectionne...)
Rédigé par : chatel | 27 octobre 2011 à 18h21
@ Flamant Rose & Eric Dupin :
Il y a environ 4 ans on pouvait accéder à l'historique des sondages sur les sites IFOP et autres, et j'avais noté un plus bas de 31 % pour Mitterrand, et de 16 % pour Chirac.
Rédigé par : Paulot | 14 novembre 2011 à 17h22