A chacun son électorat. L’exercice inédit de la primaire a révélé de curieux contrastes géographiques entre le vote des différents candidats socialistes. Comme si chacun avait réussi à séduire une fraction du « peuple de gauche ».
François Hollande domine d’abord Martine Aubry dans la France rurale. Il l’écrase ainsi dans la Creuse (56% contre 19%), en Haute-Vienne (63% contre 14%) ou encore en Lozère (49% contre 19%). Comme de bien entendu, le président du conseil général de Corrèze règne en maître dans son propre département où il rafle pas moins de 86% des suffrages ! On note aussi de bons résultats de ce candidat dans le centre de la France marqué à gauche comme l’Allier (44%) ou le Cher (43%).
Hollande devance enfin largement sa principale concurrente dans cette France de l’Ouest qui a basculé à gauche au cours des dernières décennies. Il l’emporte ainsi nettement dans le Finistère (43% contre 32%), dans les Côtes d’Armor (44% contre 30%) ou encore en Loire-Atlantique (41% contre 32%). Il est à noter que ces départements ont proportionnellement le plus voté dimanche dernier avec des taux tournant autour de 8% des inscrits. La participation a également été étonnamment élevée dans des départements ruraux comme Haute-Vienne où elle atteint également 8%.
Par contraste, la France de Martine Aubry est très urbaine. Si elle est en tête à Paris (37% contre 32% à son principal concurrent), ce n’est sans doute pas seulement en raison de la prise de position du maire de la capitale, Bertrand Delanoë, en sa faveur. Il existe aussi des raisons plus sociologiques. Ce sont les arrondissements populaires (mais aussi « bobos ») du nord-est qui ont voté pour elle. Par exemple, dans le bureau de vote de la rue de Barbanègre, dans le 19ème, Aubry écrase Hollande par 41% contre 24%.
La maire de Lille talonne son adversaire de second tour en région parisienne : 34% contre 35% en Seine-Saint-Denis ou encore 31% contre 35% dans l’Essonne. Aubry cartonne dans nombre de communes de l’ancienne ceinture rouge. Elle obtient ainsi 49 et 50% dans les deux bureaux de La Courneuve (Seine-Saint-Denis), contre 28 et 29% à Hollande. Elle emporte la majorité absolue des suffrages dans le Nord (55%) mais arrive également en tête dans le Pas-de-Calais voisin (43% contre 37%). La candidate obtient également de bons scores dans certains départements populaires comme la Somme (35% contre 38%). A noter que, dans tous ces départements, la participation n’a pas été élevée avec seulement 4 à 5% des inscrits.
Arnaud Montebourg réalise de belles performances dans les départements limitrophes de sa Saône-et-Loire : 29% dans le Jura, 25% en Côte d’Or ou encore 24% dans la Nièvre. Il a également engrangé de bons scores dans des départements ruraux comme le Lot (21%) ou la Lozère (19%) où l’on souffre du déclin de services publics. Le chantre de la « démondialisation » semble encore avoir attiré un vote néorural. C’est ainsi qu’il arrive en tête de tous les candidats, avec 31% des voix, dans le canton de Toucy (Yonne) où se sont installés nombre d’habitants ayant quitté la région parisienne.
L’audience de Montebourg est plus faible dans l’Ouest de la France qui vota « oui » au Traité constitutionnel européen. Elle est moyenne dans le quart nord-est du pays qui souffre de la désindustrialisation. On observe toutefois que ce candidat a réussi à capter une fraction de l’électorat populaire dans les banlieues. Il obtient environ 20% des voix à Gennevilliers (Hauts-de-Seine). De bons résultats dans le midi sont également à relever, avec 21% dans les Bouches-du-Rhône.
Les résultats de Ségolène Royal sont partout décevants pour elle. Même dans son département des Deux-Sèvres, elle est largement devancée par Hollande. Cette fois, les quartiers populaires ne se sont guère mobilisés en sa faveur. Royal ne recueille que 8% des suffrages en Seine-Saint-Denis ou encore 6% dans le Pas-de-Calais. C’est tout juste si elle frôle la barre des 10% dans certaines communes de la banlieue parisienne comme La Courneuve ou Gennevilliers.
La sociologie du vote en faveur de Manuel Valls est très typée. Le maire d’Evry a visiblement reçu les faveurs d’un électorat modéré et favorisé. Avec 23% des suffrages, il devance Aubry dans les deux bureaux de Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine) où Hollande arrive nettement en tête avec 40% des voix. Valls dépasse aussi le seuil des 10% dans le VIème arrondissement de Paris de la bourgeoisie intellectuelle. A l’opposé, ses scores sont négligeables dans les quartiers populaires de la région parisienne. A l’exception, bien sûr, d’Evry où le maire de la commune arrive en tête.
Article publié sur Rue89.
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