Le "deuxième étage de la fusée Le Pen", pour reprendre l'expression du nouveau président d'honneur du FN, consomme un carburant de type nouveau. Il faut lire l'étonnant discours prononcé par Marine Le Pen à Tours pour mesurer le culot de son entreprise. Loin de se contenter d'arrondir les angles pour accéder aux douceurs de la "dédiabolisation", la nouvelle présidente a enfourché un discours qui tranche avec celui de l'extrême droite française tel que le Front national avait coutume de le produire.
Le rapport à l'histoire, de portée identitaire dans ce courant politique, est évocateur. Le Pen 2 célèbre 1789 (l'origine de tous les maux pour l'extrême droite classique) vante "les hussards noirs de la troisième République" (cette "Gueuse" honnie des monarchistes) et ose saluer "les résistants de 40" (devant une assistance habituée à la complaisance envers le pétainisme). Copiant Nicolas Sarkozy, Marine Le Pen se permet même de renvoyer la figure de Jean Jaurès à la tête d'une gauche supposée traître à ses propres valeurs. Le contraste ne pouvait pas être plus frappant avec le discours de Bruno Gollnish, faisant applaudir (mais pas par la nouvelle présidente) les morts du "6 février 1934", cette journée d'émeutes organisée par l'extrême droite.
La ligne "républicaine" de la nouvelle dirigeante du FN, prônant un "Etat fort" et un "protectionnisme économique et social" pour faire face à "l'Europe de Bruxelles" et à la "mondialisation identicide" est susceptible de rencontrer un large écho dans une France populaire durement secouée par la crise. Bien décidé à rendre à Sarkozy la monnaie de sa pièce, le Front part à la reconquête de l'électorat qui lui avait été "volé" en 2007. Le projet n'a rien d'irréaliste. Une fraction des couches populaires s'était laissée séduire par les sirènes sarkozystes en espérant que le nouveau président serait capable d'agir en matière d'insécurite et d'immigration. Les résultats n'ayant pas été au rendez-vous, il est normal que ces électeurs retournent à leurs inclinaisons premières. Ils ont d'autant plus de raison de le faire que Marine Le Pen leur fait même miroiter des perspectives de pouvoir.
Le nouveau discours lepéniste pose aussi un redoutable problème à la gauche. L'enjeu des classes populaires pour la prochaine élection présidentielle est plus cruciale que jamais. Laurent Fabius a eu raison de crier au "danger". Les socialistes prendraient un gros risque en se limitant à vanter abstraitement les mérites d'une "mondialisation régulée" tandis que le FN parlerait plus brutalement d'un "Etat protecteur et efficace". Quant à Jean-Luc Mélenchon, il risque d'être confronté à une concurrence qu'il n'avait pas prévue...
Fort heureusement, la stratégie "mariniste" est minée par de réelles faiblesses. Le Front national ne se transformera pas comme par miracle en parti républicain respectable. Les partisans de Gollnish ont réussi à faire élire environ 40% des leurs au nouveau comité central du parti. Marine Le Pen aura fort à faire pour bâtir une formation à la hauteur de ses prétentions même s'il ne faut pas oublier qu'une orientation nationaliste et étatiste pourrait s'inscrire dans le patrimoine génétique de l'extrême droite. Encore faudrait-il qu'elle soit capable d'articuler un projet précis. Organisé autour de slogans, son discours actuel se caractérise plutôt par la vacuité de ses propositions. Elle parle ainsi de "révolution fiscale" en prenant soin de ne point en détailler le contenu. Le lepénisme nouveau en reste au stade d'une dénonciation politiquement stérile.
Le problème c'est que la dénonciation habituelle du FN est tout aussi stérile, et que le discours le plus pertinent face à cette nouvelle orientation, soit "le protectionnisme, cela rend encore plus pauvre" personne ne sait le tenir.
Vraiment personne, le protectionnisme est une tentation forte aussi bien pour une majorité de la gauche que de la droite qui ne savent pas trop pourquoi exactement ils font autre chose, mis à part que l'Europe n'en veut pas du protectionnisme, donc ben c'est pas possible.
Le deuxième problème, c'est que la personnalisation de l'élection présidentielle en France rend tout à fait possible pour Marine Le Pen de tenir un discours "dans le vide", sans qu'on soit capable de lui opposer de manière efficace que son parti ne suit pas réellement derrière (tant que le camp Gollnish restera un minimum discret).
Rédigé par : jmdesp | 17 janvier 2011 à 12h11
Dupin, tu nous prend pour des cons... mélenchon confronté à une concurrence qu'il n'avait pas prévue ? Nous trempons dans antifascisme depuis notre plus tendre enfance, et tu voudrais faire gober ça ? Qui va frapper aux portes des hlm ? Les socialistes ? Qui fait les marchés et contre le FN , Les villepinistes ? Qui propose des solutions dans le programme aprtagé du front de gauche pour redonner la parole au peuple, vraiment ?
Rédigé par : GdeC | 17 janvier 2011 à 19h47