Ces élections régionales auront révélé le retour à un vote de crise fragilisant le système politique français. La période ouverte par l'élection présidentielle de 2007 est désormais close et, à deux ans d'échéances nationales décisives, la France est à nouveau confrontée à une profonde défiance des gouvernés. La démobilisation du corps électoral en est le premier symptôme. En dépit d'un sursaut du taux de participation de 5 points d'un tour à l'autre, l'abstention a encore concerné, le 21 mars, une moitié des Français (48,8 % des inscrits). La croyance dans l'efficacité de l'action politique, ravivée par l'élection de Nicolas Sarkozy, a largement disparu.
La contre-performance du parti présidentiel est la seconde traduction de ce vote de crise. Au tour décisif, les listes de l'UMP n'ont recueilli que 35,4 % des suffrages exprimés soit seulement 17,3 % des inscrits. Rarement, sous la V e République, le parti au pouvoir n'aura essuyé pareil désaveu. Dimanche, la gauche a conforté ses bons résultats du premier tour en rassemblant 54,1 % des voix (légèrement au-dessus de ses 53,6 % du 14 mars). Sa victoire dans toutes les régions métropolitaines, à l'exception de l'Alsace, sanctionne ce rapport de force exceptionnellement favorable. Le score de Martin Malvy en Midi-Pyrénées (67,8 % des exprimés) est la manifestation la plus éclatante de cette insolente santé électorale de la gauche.
La confirmation du redressement du Front national au second tour complète le tableau. Le parti d'extrême droite réussit la performance d'obtenir un score national de 9,2 %, alors qu'il était absent dans dix régions métropolitaines. Il progresse en voix et en pourcentage dans toutes les régions où il était présent dimanche dernier. Une poussée particulièrement marquée dans les territoires les plus touchés par la crise. Dans le Nord-Pas-de-Calais, les listes conduites par Marine Le Pen passent de 18,3 % à 22,2 % des suffrages exprimés. Le FN devance même l'UMP dans le Pas-de-Calais.
Dans un contexte de léger sursaut de participation, la formation lepéniste progresse nettement en Champagne-Ardenne (de 15,9 % à 17,2 %) en Lorraine (de 14,9 % à 18,4 %) ou encore en Picardie (de 15,8 % à 19,3 %). Il est notable que le FN voit son score grossir également en Alsace (de 13,5 % à 14,6 %), alors que l'incertitude de l'issue du scrutin dans cette région aurait pu inciter ses électeurs à se reporter sur les grandes listes. Un temps très affaibli par les succès de Nicolas Sarkozy, le parti d'extrême droite parvient à nouveau à fédérer des électeurs mécontents, qui semblent plus que jamais en rupture avec la droite comme avec la gauche.
Ce retour du vote lepéniste s'inscrit dans un affaiblissement de la bipolarisation UMP-PS. Les listes tierces qui étaient présentes au second tour ont toutes vu leur score s'améliorer. En Bretagne, Europe Ecologie, avec qui le PS avait refusé de fusionner, se hisse de 12,2 % à 17,4 % des suffrages exprimés. Une avancée significative, même si le manque de suspense sur la victoire de la gauche dans cette région favorisait le vote écologiste. Même scénario dans le Limousin, cette fois-ci au profit du Front de gauche, qui grimpe de 13,1 % à 19,1 % des voix d'un tour à l'autre. Dans le même ordre d'idées, on remarque la progression des listes autonomistes de Gilles Simeoni en Corse (de 18,4 % à 25,9 %).
Les régionales de 2010 prolongent et accentuent certaines tendances révélées par les scrutins antérieurs. Les élections municipales de 2008 avaient constitué un premier avertissement pour la majorité présidentielle. Celle-ci avait néanmoins bien résisté dans les communes de taille moyenne. Aux européennes de 2009, l'UMP fit bonne figure comparativement au PS. Le paysage commençait toutefois à se redessiner avec l'abstention des catégories populaires, le déclin du Modem et la poussée écologiste. Les régionales ont confirmé ces mouvements tout en y ajoutant la renaissance du Front national.
Ce phénomène est facteur d'incertitude pour les prochaines échéances. En dépit de ses belles victoires d'aujourd'hui, le PS peut y trouver motif à inquiétude. Une bonne partie de l'électorat populaire, abstentionniste ou lepéniste, lui échappe toujours. Il reste que l'UMP aura plus de mal encore à reconquérir ces électeurs déçus ou mécontents. C'est dire si les échéances de 2012, présidentielle mais aussi législatives, s'annoncent ouvertes. Les Français ont opté cette année pour une forme de cohabitation territoriale avec des régions roses censées équilibrer un pouvoir bleu. Seront-ils bientôt tentés par un retour à la cohabitation politique avec un président de droite et une Assemblée nationale de gauche ?
Article publié dans Les Echos du 23 mars 2010.
"La contre-performance du parti présidentiel est la seconde traduction de ce vote de crise. Au tour décisif, les listes de l'UMP n'ont recueilli que 35,4 % des suffrages exprimés soit seulement 17,3 % des inscrits. Rarement, sous la V e République, le parti au pouvoir n'aura essuyé pareil désaveu. Dimanche, la gauche a conforté ses bons résultats du premier tour en rassemblant 54,1 % des voix (légèrement au-dessus de ses 53,6 % du 14 mars)"
Il serait souhaitable que vous appliquiez le même calcul aux formations que vous citez. Tout comme la comparaison des voix du FN avec celles de 2004 sur le même scrutin. Pourquoi ne parlez-vous pas du nombre de sièges gagnés par régions et formations? Ca aussi c'est important dans les débats régionaux qui vont être menés dans les années qui viennent?
« La droite gagne des sièges entre 2004 et 2010!
Sortie du scrutin de 2004 avec 421 sièges, bilan 2010: 460 sièges (UMP: 330, NC: 66, MPF: 10, CPNT: 6, DVD: 48). La disparition de l’UDF et la baisse du nombre de triangulaires (et donc d’élus du FN) expliquent ce regain paradoxal en sièges. »
« La gauche patine au second tour
Dans les 16 triangulaires, la liste de gauche recule 14 fois sur 16 par rapport au total des voix de gauche et d’extrême gauche du premier tour. Exceptions: l’Alsace, où le +0,4 % n’a pas suffi, et la Bretagne, où Jean-Yves Le Drian obtient 1,4 point de mieux (en incluant la liste régionaliste de gauche de Troadec). »
http://www.lexpress.fr/region/franche-comte/les-pepites-des-regionales_857214.html
Rédigé par : Breton | 23 mars 2010 à 14h10
Votre pronostic, à l'heure qu'il est, serait donc, comme l'envisage avec humour mais non sans vraisemblance Pierre-Luc Séguillon dans son livre "2012 la revanche", la présidence à droite et l'assemblée à gauche.
Reste à espérer que d'ici là les acteurs auront changé car Sarko réélu et Ségo "première ministresse" ce serait la cata absolue ( possible si on imagine l'exaltante du Poitou se présentant hors du parti et doublant Martine par l'opération du Saint-Esprit ).
Les Régionales ainsi que les sondages sur les présidentiables semblent avoir rebattu d les cartes des uns et des autres. Sarko sent le vieux et Martine frétille.
Mais le premier n'a pas encore de successeur crédible. Et la seconde, qui certes ne manque pas d'habileté politique et qui, par les temps qui courent, a l'avantage de bien maîtriser les questions sociales, paraît cependant manquer un peu d'envergure pour la fonction suprême : du moins à entendre ses discours s'étirer en longueur comme si la quantité devait masquer un déficit de qualité. Que penser aussi de son leitmotiv d'"une société plus douce" comme ligne d'horizon politique ? Catholicisme social ? Ou tentation récurrente du socialisme de faire notre bonheur à notre place ? A moins que ce ne soit pure niaiserie du genre "N'ayez pas peur mamie va venir".( avec tatie Duflot et mémé Buffet ?)
Rédigé par : Trésor de Bienfaits | 24 mars 2010 à 12h47
Il faudrait que le PS nous sorte un vrai programme d'avenir avec une vision nouvelle pour la société française, mais là dessus je demande à voir, comme ils nous le disent à chaque élection depuis 2002, mais comme soeur Anne nous ne voyons toujours rien venir.
Rédigé par : Breton | 24 mars 2010 à 14h03
Les vrais motifs d’inquiétude au ps, selon moi (sans négliger ce que vous dite de sa perte du sens populaire), sont internes : guéguerre des chefs et flou programmatique. Ajoutons la Maldonne des médias (avant 2007, je l’appelais la Maldonne des sondages) qui va tout faire pour exister en femme providentielle (quand l’homme providentiel, on ne sort même pas d’en prendre) en grenouillant aux abords du ps.
Ségo PM de NS ? Heureusement que le pire n'est pas toujours sûr !
Rédigé par : PMB | 27 mars 2010 à 20h04
Le souci pour les formations politiques est que, si une bipolarisation complète ne semble pas du goût des Français, une troisième force a traditionnellement du mal à s'implanter durablement en France. Le RPF, le MDC, et maintenant le Modem malgré un début spectaculaire, ont eu du mal à confirmer leurs succès initiaux. Les Verts y parviendront-ils en adoptant durablement l'étiquette "Europe écologie" ? Il faudrait qu'ils parviennent à compter comme autre chose qu'une force d'appoint du PS quand arrivera l'heure des élections nationales.
Rédigé par : Nikita Malliarakis | 29 mars 2010 à 11h07
"le parti d'extrême droite parvient à nouveau à fédérer des électeurs mécontents" :
Le FN faisait au 1er tour de la présidentielle de 2007, en pourcentage des ELECTEURS INSCRITS, 11,5 % en PACA, 12 % en Languedoc-Roussillon, 6,5 % en IdF, et 11 % en Alsace.
Il fait, au 1er tour des régionales de 2010, 9 % en PACA, 6 % en Languedoc-Roussillon, 4 % en IdF, et 5,5 % en Alsace.
Peut mieux faire, pour fédérer les mécontents...
Le FN servirait-il d'amulette pour une gauche toujours en panne de programme crédible ?
Après le tout sauf Sarkozy, le tout sauf le FN ?
Rédigé par : Paulot | 30 mars 2010 à 00h20