Dans cette morne campagne européenne, le vote sanction qui accompagne traditionnellement les scrutins d'importance secondaire se caractérise par une inédite pluralité. Qui sera puni le 7 juin ? Certains électeurs chercheront à manifester leur mécontentement à l'égard du président de la République et de son gouvernement. En pleine tourmente économique et alors que l'exécutif est confronté à l'impopularité, les Français ne sont pourtant que 39 % à envisager d'utiliser leur bulletin de vote à cette fin (1). D'autres voudront protester contre la manière dont est conduite l'Union européenne. Selon l'enquête OpinionWay, cette motivation concernerait 41 % des votants.
Les choses se compliquent dès lors que l'on pourra sanctionner le pouvoir national ou la construction européenne par un large éventail de votes. A l'exception compréhensible des listes de l'UMP, toutes les autres campent résolument dans le camp de l'opposition à Nicolas Sarkozy. On ne trouve guère que celles d'Europe Ecologie pour se refuser à coupler la consultation européenne avec l'hostilité au pouvoir en place.
Le parti présidentiel profite à plein de cette neutralisation mutuelle des divers votes sanctions. A un mois du scrutin, l'UMP creuse l'écart avec le PS. La faible mobilisation attendue du corps électoral joue en sa faveur. D'après les enquêtes, une moitié environ des électeurs se déclarent actuellement « certains d'aller voter ». Sauf regain d'intérêt notable dans les toutes dernières semaines, cela augure d'un taux d'abstention supérieur à 50 % des inscrits. La sociologie de cet électorat étriqué est plutôt favorable à la droite. Seulement 30 % des électeurs de moins de 35 ans affichent leur intention de voter alors que c'est le cas de 63 % pour les 60 ans et plus (2). Or, selon Ipsos, 26 % des premiers ont l'intention de voter UMP contre 37 % des seconds...
L'engagement présidentiel dans la campagne aide l'UMP à bénéficier du soutien du socle légitimiste de l'électorat de droite. Le parti majoritaire peut même compter sur la capitalisation des craintes liées à l'élargissement futur de l'Union. Le thème de « l'Europe rempart » brandi par Michel Barnier et le refus affirmé d'une entrée de la Turquie dans la Communauté européenne, en phase avec les réactions de l'opinion, peuvent être d'une certaine rentabilité électorale.
L'UMP serait toutefois en position plus délicate si le vote oppositionnel n'était pas éclaté. Il est certes habituel que le scrutin européen et sa règle proportionnelle émiettent le champ politique. C'est la raison pour laquelle le PS doit généralement se contenter de scores modestes à cette compétition. Mais la difficulté est, cette fois-ci, aggravée par l'étrange proximité des positions défendues aujourd'hui par les socialistes et ceux que l'on n'ose plus guère qualifier de « centristes ».
Le PS et le Modem se retrouvent pour instruire le procès de deux ans de pouvoir sarkozyste. Ils se rejoignent encore pour exiger le départ de « l'ultralibéral » José Barroso. François Bayrou pratique même la surenchère. Il cogne si dur contre le chef de l'Etat que Martine Aubry crie au « plagiat » et se paie le luxe d'avancer des noms pour remplacer le président de la Commission européenne. Pourtant héritiers de traditions européistes, le PS et le Modem convergent enfin vers une analyse plus critique de la construction européenne qu'il conviendrait de nettement réorienter. Cette ressemblance des discours est de nature à troubler l'électorat à la recherche du meilleur opposant.
Sacrifiant lui aussi à la pluralité, le vote protestataire est morcelé. Le temps n'est plus où le Front national cristallisait à son profit quasi exclusif les angoisses générées par le chômage ou l'immigration. La récession actuelle stimule plutôt le vote d'extrême gauche. Les listes situées à la gauche du PS sont actuellement créditées de 14 à 15,5 % des intentions de vote (3). Soit une nette progression par rapport aux 7,3 % des voix recueillis par cet espace à la présidentielle de 2007 et aux 8,4 % enregistrés aux européennes de 2004. On relève une poussée de l'extrême gauche chez les ouvriers où la gauche de la gauche totalise, selon les ventilations d'OpinionWay, 23 % contre seulement 20 % pour le PS. Le vote protestataire de droite n'a pas pour autant disparu puisqu'il représente de 12 à 13 % des votes potentiels. Mais la concurrence des extrêmes gêne désormais plus le PS que l'UMP.
(1) Baromètre OpinionWay-Fiducial-TF1-LCI-« Le Figaro »-RTL, 7-10 mai.
(2) Enquête Ipsos-« Le Point », 30 avril-2 mai.
(3) Fourchette des trois dernières enquêtes publiées, les deux précitées et celle de l'Ifop pour « Paris Match » des 6 et 7 mai.
Article publié dans Les Echos du 15 mai 2009.
Sur le mode de scrutin (entre autres), ce texte anti-capitaliste :
http://democom.perso.neuf.fr/europeennes.htm
Rédigé par : Nathalie | 19 mai 2009 à 00h01
Toujours aussi pertinent vos analyses !...
cordialement
alainB
NB : demain et apm sur mon blog, une interview de K-Line !...
Rédigé par : alain BARRE | 20 mai 2009 à 20h57
Pertinentes ?
Je ne dirais pas ça, surtout pour ce passage :
"Martine Aubry crie au « plagiat » et se paie le luxe d'avancer des noms pour remplacer le président de la Commission européenne."
Vous devez pourtant savoir que le PS Français a signé avec les socialistes européens le "Manifesto". Et que le PSE s'est prononcé pour la reconduction de Barroso.
De deux choses l'une :
- vous l'ignoriez, ce qui est assez grave pour un journaliste politique
- vous relayez sciemment le mensonge des socialistes français, ce qui l'est tout autant.
Rédigé par : Alain | 26 mai 2009 à 17h57
Taux d’abstention aux élections européennes : entre 61 % et 65 % selon un sondage Ipsos.
A deux semaines du scrutin, l'institut Ipsos évoque une abstention supérieure à 60 %.
Au niveau des intentions de vote, le PS n'est plus crédité que de 20 %, son score le plus bas depuis le début de la campagne.
Plus la date du scrutin approche, et moins les électeurs semblent avoir envie de se déplacer jusqu'aux urnes.
C'est en tout cas ce que révèle un sondage Ipsos pour SFR/LePoint/20minutes rendu public mardi, qui prévoit un taux de participation situé entre 35 % et 39 % pour le 7 juin, soit deux points de moins en seulement une semaine.
http://www.lefigaro.fr/elections-europeennes-2009/2009/05/26/01024-20090526ARTFIG00538-vers-une-abstention-record-aux-europeennes-.php
Rédigé par : BA | 27 mai 2009 à 00h18
"Alain" me lit bien mal. C'est Bayrou qui "se paie le luxe d'avancer des noms pour remplacer le président de la Commission européenne". Quant aux contradictions des socialistes sur le cas Barroso, je les avaient évoquées dans mon précédent article.
Rédigé par : Eric Dupin | 27 mai 2009 à 16h03