Le manque d’intérêt pour l’actuelle campagne européenne, aggravé par une couverture médiatique qui intériorise à l’excès l’indifférence de l’opinion, s’explique aussi par l’apaisement du débat sur l’Europe. Le temps n’est plus où l’avenir de la construction européenne suscitait, en France, de vigoureux pugilats. Les passions qui avaient secoué le débat public au moment des référendums du traité de Maastricht (1992) puis du traité constitutionnel européen (2005) sont bien retombées. Les rudes empoignades entre fédéralistes et souverainistes ne sont plus qu’un lointain souvenir.
L’appel de Jean-Pierre Chevènement à voter blanc ou nul au scrutin de 7 juin est le signe le plus frappant de cette évolution. Le critique de gauche le plus opiniâtre et le plus argumenté de la construction européenne est totalement absent de la compétition électorale. Son petit parti, le Mouvement républicain et citoyen (MRC), n’avait pas les moyens de se lancer seul dans la bataille comme il le fit, sans grand succès (2,5% des suffrages exprimés), en 1994. Il n’a pas non plus réussi à s’entendre avec le Front de gauche ou avec le Parti socialiste. Par son geste de dépit, Chevènement entérine l’isolement de sa démarche.
Le souverainisme de droite est mieux représenté puisqu’il aligne deux listes, celles de Philippe de Villiers et de Nicolas Dupont-Aignan. Mais ce courant apparaît en nette perte de vitesse par rapport à son influence dans les dernières décennies. En 1994, Villiers avait recueilli 12,3% des voix. Un score qui avait même grimpé à 13,1% des suffrages en 1999 avec Charles Pasqua. Il y a cinq ans, le souverainiste vendéen avait enregistré un résultat plus modeste avec seulement 6,7% des votes. Les sondages ne lui garantissent même pas, cette année, de retrouver un tel score. Ils ne le créditent que de 5 à 6% des intentions de vote alors même que Villiers s’est allié avec Chasse, pêche, nature et traditions (CPNT) qui avait obtenu 1,7% des voix en 2004. Un regroupement en lui-même révélateur d’une certaine faiblesse. Quant aux listes gaullistes de « Debout la République », elles sont promises à un score très marginal (0,5 à 2%).
A l’autre bout du débat européen, les fédéralistes ne sont guère plus visibles. C’est désormais avec la plus grande circonspection que certains candidats plaident pour une poursuite de l’intégration européenne. Sur ce plan, les listes « Europe-Ecologie » sont en pointe lorsqu’elles prônent un « gouvernement économique et social de la zone euro ». Mais leur « contrat écologiste pour l’Europe » évite soigneusement toute référence au fédéralisme.
Le néocentrisme de François Bayrou est également en recul par rapport à la fougue européiste traditionnelle de la démocratie chrétienne. Loin de vanter les mérites d’une Europe fédérale, le leader du MoDem
explique aujourd’hui que l’Europe doit « soutenir les identités ». Au
PS, la nécessité de réconcilier les anciens partisans du « oui » et du
« non » au référendum de2005 oblige à des formulations prudentes sur l’avenir de l’Union. Les
socialistes pointent ainsi, dans leur programme, « une période de doute
vis-à-vis de l’Europe » qui ne les épargne pas eux-mêmes.
La droite républicaine est, elle aussi, contrainte de tenir compte de tout un éventail de sensibilités sur la question européenne. L’UMP a habilement choisi d’axer sa campagne sur un volontarisme qui fait la part belle aux initiatives nationales. « Quand l’Europe veut, l’Europe peut » : ce slogan illustré d’un portrait de Nicolas Sarkozy s’efforce de tirer profit d’une présidence européenne où le président français s’est illustré par son activisme. On chercherait en vain dans le programme du parti présidentiel des envolées supranationales qui n’ont, au demeurant, jamais été du goût de l’actuel chef de l’Etat.
L’attitude des Français à l’égard de l’Europe est finalement assez en phase avec la tournure prise par le débat européen. L’hostilité à son égard est très minoritaire : seulement 21% des Français ont une « image négative » de l’Union européenne (1). Mais l’enthousiasme n’est pas non plus au rendez-vous. Pas plus de 46% de nos concitoyens ont une « image positive » de l’Europe. L’Eurobaromètre nous apprend encore qu’aussi nombreux sont les Français qui font « confiance » (46%) et « pas confiance » (45%) à l’Union européenne comme institution. Celle-ci se révèle ici plus populaire que le gouvernement français (31% de confiance) mais moins que les collectivités locales (62%). L’Europe a désormais plus à craindre l’indifférence distraite que l’hostilité farouche.
(1) Eurobaromètre 70, enquête en France réalisée par TNS-Sofres en octobre 2008.
Article publié dans Les Echos du 22 mai 2009.
Apaisement ou découragement (et désintéret) ?
Pour moi c'est le deuxième terme qui l'emporte. Et c'est plus grave qu'il n'y paraît.
Les électeurs opposés à l'actuelle construction européenne ont bien intégré que l'Europe n'a que faire de cette opposition. Elle s'en moque et la méprise ouvertement.
Le contournement de la démocratie semble être la tactique.
Le peuple vote contre ? Les "élites", les "experts" votent pour.
Le peuple vote contre ? Il revotera...
Non vraiment plus que d'un apaisement c'est d'un dégout dont il s'agit. Et les médias comme d'habitude ont choisi leur camp. Massivement. A leur décharge les opposants sont divisés leurs discours pas toujours très clairs, ni réalistes.
Il n'en reste pas moins que l'on assiste a un déni de démocratie.
Rédigé par : noop | 22 mai 2009 à 10h25
Attention, attention.
Le scrutin de 2004 a déjà été commenté comme apaisé: score confortable des listes mainstream, marginalisation des critiques. Le résultat de 2004, qui a sans doute endormi Chirac, n'en pas moins été suivi d'un uppercut eurosceptique, souverainiste...bref noniste pour renoncer à caractériser la diversité du Non au TCE en 2005.
Déjà en 2004, Chevènement avait fait l'impasse après avoir échoué dans ses pourparlers avec le PC.
Le scrutin européen manque d'enjeux et les citoyens l'ont compris. La faiblesse du Parlement dans le système institutionnel (quoiqu'en disent les apôtres, dans le "trilogue" législatif, le Parlement vient en troisième), le mode de scrutin (ne jamais négliger son impact) fabrique ce scrutin mou...
Que demain renaisse le délire constitutionnel...le traité de Lisbonne a contourné la difficulté....et le débat repartira.
Rédigé par : David Dupré | 25 mai 2009 à 21h08
Décidemment, vous autres les membres de la pseudo-élite qui sait tout, pire qui fait croire qu'elle sait et connait tout, vous êtes vraiment fort en démonstration mathématique.
Nous faire croire que ça y est les Français sont devenus européens c'est véritablement mensonger.
S'ils l'étaient comme vous le dites, pourquoi vont-ils s'abstenir en grand nombre d'une part et que d'autre part ils ne s'interessent pas du tout à ces élections 2009.
Par ailleurs, si les politiques et les médias complices pour la plupart étaient si sûrs de ce soi-disant appêtit européen des Français, pourqoui n'ont-ils pas très en amont facilité et organisé le débat entre les candidats?.
Et pourquoi avoir fait voter le Traité de Lisbonne, copie quasi conforme du TCE, par les parlementaire alors que le peuple français avait rejeté ce TCE en 2005.?.
Non décidemment, l'Europe file un mauvais coton et SURTOUT POUR MOI ELLE N'EST PAS DEMOCRATIQUE.
LA PREUVE : les peuples ont à peine commencé à voter que déjà dans les médias notamment mais aussi dans certains milieux bien informés comme dirait Coluche,la reconduction de M. Barroso semble acquise alors que l'on ne connait même pas le couleur du futur Parlement de Strasbourg.
C'EST VERITABLEMENT UN DENI DE DEMOCRATIE ET SE F...DU MONDE.
Alors, je vous le dit : pourquoi aller voter puisque de toute façon quelque que soit celui-ci, ILS ou ELLES N'EN FERONT QU'A LEUR TETE et continueront à nous envoyer dans le mur avec leur politique ultra libérale qui va à l'encontre du bien des peuples et des Nations qui composent l'Europe.
Rédigé par : ChristineH | 06 juin 2009 à 03h02