Une fois encore, le scrutin européen est en passe d'être indûment nationalisé. Selon une enquête LH2 (1), 52 % des électeurs prévoient de voter en fonction des « enjeux nationaux », et seulement 40 % à partir des « enjeux européens ». L'institut OpinionWay (2) parvient aux mêmes conclusions avec 58 % pour les « enjeux nationaux » contre 40 % pour les « enjeux européens ». Cette dernière enquête confirme que les questions liées à la crise préoccuperont surtout les Français le 7 juin.
Les prochaines élections européennes peuvent être lues sous l'angle de quatre batailles politiques nationales. Une lutte pour la première place oppose tout d'abord le PS à l'UMP. Le parti au pouvoir se sait menacé par un « vote sanction » nourri de la popularité vacillante de l'exécutif. Il se montre pourtant offensif avec la volonté de Nicolas Sarkozy de s'engager dans ce combat électoral, fort du bilan de sa présidence à la tête de l'Union, et avec les vives attaques de François Fillon contre les socialistes. Le Premier ministre a poussé l'audace jusqu'à appeler à un « vote sanction » contre le principal parti d'opposition, une figure inédite sous la Ve République. Pour l'heure, l'UMP semble faire la course en tête avec de 26,5 % à 28 % des intentions de vote selon les sondages (3). Son score s'annonce, en tout cas, très supérieur au piteux 16,6 % des suffrages exprimés recueillis aux européennes de 2004.
Avec le basculement du Modem dans une opposition frontale et l'affaiblissement du FN, le parti du président profite d'un large champ libre à droite. A l'inverse, le PS joue des coudes avec de multiples concurrences, sur ses flancs droit et gauche sans oublier les écologistes. A peine remis de leur congrès désastreux et toujours guettés par une polyphonie interne, les socialistes sont crédités actuellement de 22,5 % à 25 % des intentions de vote. Ils auront le plus grand mal à rééditer leur exploit de 2004, qui les avait hissés à 28,9 % des voix.
La bataille pour la troisième place ne sera pas moins féroce. L'enjeu est ici de se placer comme une force capable de bousculer le duo UMP-PS dans la perspective des futures échéances électorales. François Bayrou est, bien sûr, celui qui spécule le plus de la sorte. Délaissant quelque peu le message européen traditionnellement porté par les centristes au profit d'une vigoureuse force de frappe oppositionnelle, le Modem s'efforce de maintenir sa dynamique présidentielle. Avec de 10 % à 14 % des intentions de vote sur la ligne de départ, il pourrait retrouver l'influence de l'UDF il y a cinq ans (12 %).
Les écologistes, qui ont réussi à rassembler leurs différentes sensibilités, ont cependant eux aussi la capacité de décrocher la troisième place. La crise environnementale pourrait les aider pour peu qu'ils sachent combiner leur message écologiste avec les préoccupations sociales de la population. Les listes Europe Ecologie sont actuellement créditées de 7,5 % à 10 % soit guère plus qu'en 2004 (7,4 %).
Deux autres forces peuvent prétendre s'inviter comme les surprises de ces élections européennes, mais sont surtout engagées dans une bataille de prééminence entre elles : le NPA d'Olivier Besancenot et le Front de gauche, regroupant le PCF et le Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon. Ces deux forces ont en commun de passer le 7 juin leur baptême du feu électoral. L'extrême gauche du NPA (de 7 % à 9 % des intentions de vote) mesurera l'impact de sa radicalité et de son soutien résolu à tous les mouvements sociaux. Le Front de gauche (de 3 % à 6 %) saura si sa stratégie de « trait d'union » entre la gauche gouvernante et l'extrême gauche rencontre un public.
La dernière bataille se joue à l'autre bout du spectre politique. Elle a pour enjeu la domination du territoire de la droite anti-européenne. Philippe de Villiers repart au combat pour la troisième fois mais dans une alliance inédite avec les chasseurs de CNPT. Ce mariage ne s'annonce pas forcément fructueux puisque les listes Libertas sont créditées de 5 % à 6 % des suffrages potentiels (contre 8,4 % pour ces deux forces séparément en 2004). Son terrain lui sera disputé par un Front national affaibli par une nouvelle scission mais que tente de regonfler Marine Le Pen par sa verve populiste. Son score actuel (de 5,5 % à 8 %) reste toutefois inférieur à celui que l'extrême droite avait enregistré il y a cinq ans (9,8 %). La pente sera rude à remonter.
(1) Enquête LH2, 27-28 février.
(2) Enquête OpinionWay-TF1-« Le Figaro »-LCI, 16-17 avril.
(3) Les fourchettes citées prennent en compte, outre les deux sondages indiqués ci-dessus, l'enquête Ipsos-« Le Point » des 13-14 mars et l'enquête Ifop-« L'Humanité » des 23-24 avril.
Article publié dans Les Echos du 4 mai 2009.
Les sondages pourraient bien se "tromper". Encore une fois.
Je pense que l'Ump est à la veille d'une belle veste, bien doublée.
Le Ps profitera du ras le bol des "moux".
Les extrêmes de celui des radicalisés... Et j'en entend pas mal autour de moi et je ne navigue pas dans des eaux "militantes".
Alors je dirais que l'humeur des gens pourrait les amener à faire ce songe :
http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/un-songe-une-humeur-55447
Rédigé par : noop | 04 mai 2009 à 10h19
tout à fait d'accord notamment ici
http://bit.ly/Leu5f
Le MODEM se consacre à Bayrou en capitalisant uniquement sur le vote protestataire comme le montre le récent ouvrage de l'ancien ministre de l'éducation d'Edouard Balladur. L'ex UDF base toute sa communication sur son refus de Sakozy sans évoquer ou si peu la question du devenir de notre continent.
Un fonctionnement un peu similaire à l'extrême-gauche qui veut adresser un message au président de la république...une exception: si le PS combat les politiques menées par la droite, il s'appuie pour l'instant sur le manifeste des socialistes européens et évite pour le moment de réitérer sa campagne précédente où il était resté uniquement sur des problématiques nationales.Espérons que ça dure, la chose n'est pas sure...
A droite il semble que l'UMP aie pour seul mot d'ordre la défense du président Sarkozy et accessoirement le refus de la Turquie en Europe. Le parti présidentiel affiche ainsi le visage de Nicolas Sarkozy, pourtant nullement candidat, sur toute sa communication.Il est vrai que le Parti Populaire Européen, dont fait parti l'organisation sarkozyste a décidé de ne pas présenter de réel manifeste commun, au-delà d'une simple déclaration.Il y a plusieurs raisons: D'une part les conservateurs européens sont au pouvoir dans de nombreux pays et veulent jouer sur les débats internes, notamment sur les politiques sécuritaires, qui ne relévent pas de l'union. Ainsi Berlusconi veut profiter de son actuelle popularité pour surfer sur la vague. Dommage, l'homme est plus atlantiste qu'européen...
Rédigé par : romain blachier | 04 mai 2009 à 14h46
Cher Eric Dupin,
Je pense que vous vouliez plutôt écrire:
"Article publié dans Les Echos du 4 MAI 2009"?
Bien à vous.
Rédigé par : D.H. | 06 mai 2009 à 10h23
Merci D.H., c'est corrigé: aurais-je inconsciemment hâte que cette morne campagne s'achève ?
Rédigé par : Eric Dupin | 06 mai 2009 à 10h28
Vous avez oublié les listes de DLR, le parti de Nicolas Dupont-Aignan...à moins que les sondages soient à ce point catastrophiques pour cette excroissance souverainiste de l'UMP ?
Rédigé par : D.B. | 09 mai 2009 à 17h05
En Allemagne, c'est la Gauche qui va profité de ce scrutin contre la Grande Coalition des Chretiens et des Sociaux Democrates.
Rédigé par : unionsbuerger | 09 mai 2009 à 18h09
" Une fois encore, le scrutin européen est en passe d'être indûment nationalisé. "
Mais cela a toujours été le cas, on dit cela a chaque fois, et c'est normal que les enjeux soit nationaux.
Pour qu'il en soit autrement il faudrait que les partis qui se présente soit européen.
Par exemple le "Parti social démocrate Européen" avec un programme Européen et non pas national.
Rédigé par : JLS | 10 mai 2009 à 16h11
@JLS
Tout à fait d'accord!
Rédigé par : claude | 11 mai 2009 à 07h40
Désolée pour Martine, j'espère qu'elle n'aura pas à pleurer encore des résultats de ces élections, mais je n'ai pas l'impression que la meilleure sanction pour ce gouvernement soit de voter PS.
C'est sans doute la sanction que préfère l'UMP qui finalement apprécie cet adversaire avec lequel il n'est pas impossible de s'allier.
Mieux vaut voter PS par conviction, sinon, pour une sanction, ce n'est pas PS qu'il faudrait voter.
Rédigé par : Annick | 11 mai 2009 à 11h45