Il faut toujours prendre au sérieux les travaux d'Edouard Balladur, l'homme qui a réussi à inspirer successivement Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy. De la conceptualisation de la "cohabitation" à la récente réforme constitutionnelle, nombre de ses idées sont passées dans les faits. Le comité de réforme des collectivités locales qu'il préside a voté hier sur un ensemble impressionnant de vingt propositions qui n'ont pas fini de faire parler d'elles.
Sans entrer dans le détail d'une réforme qui bouleverserait la carte de nos territoires, pointons-en quelques élément qui suscitent des sentiment divers. On peut d'abord apprécier l'intelligence avec laquelle est finalement traitée la vieille question des rapports entre départements et régions. Le fantasme de supprimer les premiers en est heureusement resté à ce statut. Il est plus malin d'articuler ces deux échelons sur le mode de leur complémentarité.
Le statut de "conseiller territorial", élu d'une circonscription d'une taille supérieure à celle de l'antique et obsolète canton et pouvant siéger à la région en plus du département selon le vote des électeurs, est une bonne idée. La règle proportionnelle présidant à ce scrutin serait une avancée démocratique dans la gestion de collectivités locales. Une saine complémentarité entre département et régions, aux compétences mieux définies, suppose aussi que ces dernières soient plus vastes. La nouvelle carte suggérée par le comité Balladur n'a pas l'air idiote même si la Picardie hurle déjà à son dépeçage.
On peut également saluer le recours à la même méthode d'élection simultanée pour deux niveaux d'administration qui permettrait aux structures intercommunales et aux onze métropoles d'être dotés d'élus au suffrage universel direct. La définition des pouvoirs au sein des ces "métropoles" ne s'annonce pas moins délicate.
Le projet de "Grand Paris" apparaît, quant à lui, proprement consternant. Quelle drôle d'idée de supprimer quatre des départements les plus peuplés de France pour accoucher d'un monstre territorial de six millions d'habitants ! Cette manière de ressusciter le département de la Seine, disparu dans les années soixante, ne respecte aucunement les frontières d'une agglomération qui déborde largement sur la Grande couronne. Les opposants franciliens au projet ont beau jeu de faire remarquer qu'un Grand Paris sans Roissy ou Saclay n'a guère de sens.
Y aurait-il de douteuses motivations politiciennes derrière ce projet ? Le calcul paraît hasardeux si l'on songe que trois des quatre départements ainsi appelés à fusionner votent actuellement à gauche. Aujourd'hui, ce sont les Hauts-de-Seine qui y auraient surtout à perdre. A moins que l'idée soit de recentraliser, d'une manière ou d'une autre, la gestion de la région capitale. Il serait pourtant bien dommage qu'une réforme dont la réussite suppose la construction d'un consensus minimal avec des collectivités locales dominées par la gauche soit entravée par le compulsif goût du pouvoir de Nicolas Sarkozy.
rares sont les constructions qui ne sont pas entravées par le gout du pouvoir de sarkozy.
c'est effectivement un problème et peu de commentateurs consentent à le souligner, car ils posent en principe qu'on attaque pas "ad hominem", curieuse conception que la critique passe par l'abstraction dès lors que c'est le président qui est en cause
Rédigé par : Martin P. | 26 février 2009 à 13h48
"atavique" ?
Rédigé par : Jean-François | 26 février 2009 à 18h57
Jean-François,
Vous avez raison avec votre énigmatique point d'interrogation: "atavique" - qui renvoie à un caractère héréditaire - ne s'applique pas formellement à mon propos. Je voulais suggérer une volonté de pouvoir plus forte que lui de notre actuel président. Permettez-moi de remplacer mon terme par "compulsif"...
Rédigé par : Eric Dupin | 26 février 2009 à 21h21
Etant provincial du Sud-Ouest, je ne jugerai pas l' idée du Grand Paris. Il me semble que l' avantage serait une efficacité accrue (voir les difficultés actuelles relatives aux problèmes de transport qui ne sont même pas toutes dûes à des questions d' étiquettes politiques). Une entité unique serait peut-être plus adaptée qu' une communauté. Cependant le Grand Paris risque d' être un "monstre", un état dans l' Etat bien difficile à gouverner.
Je suis asssez choqué d' entendre que les critiques principales au (futur) rapport ne portent que sur des considérations électorales. C 'est parfaitement inepte et à courte vue. Que va-t-on entendre à propos du redécoupage des circonscriptions législatives ? C' est vrai que des mandats vont sauter et qu' être conseiller régional demandera un peu plus de stature qu' élu de canton.
Sans doute le PS prépare-t-il le terrain pour se justifier de ne pouvoir conserver 20 régions sur 22 ...
Cela étant, la préservation de l' équilibre des régions, l' harmonisation de leurs politiques et de leur développement et tout ce genre de choses ... voilà de quoi assigner un nouveau rôle utile au CES.
En passant : Martin P, votre commentaire est bizarre. On dirait celui d' un anti-sarkozyste qui ne lirait que le Figaro ou Valeurs Actuelles !
Rédigé par : Erick | 27 février 2009 à 08h48
Quoiqu'il en soit avec la gauche nous avons l'habitude. Chaque fois qu'une réforme est engagée c'est le même procès d'intention "il y a derrière des motivations purement politiciennes". Jamais ça ne vient à l'esprit que cela peut être aussi l'intérêt du pays. Aujourd'hui on peut se poser la question inverse : par son opposition systématique le PS n'est-il pas entrain de démontrer qu'il défend des intérêts particuliers à savoir ses bastions et les barons qui les gouvernent et ce au détriment de l'intérêt général, peut être que les motivations purement politiciennes viennent du PS. L' opposition systématique sans propositions de solutions alternatives font que les français ne sont pas dupes. Cela explique pourquoi malgré l'impopularité de Sarkozy seuls 24% de nos concitoyens pensent que le PS ferait mieux. Un parti qui se dit de gouvernement doit privilégier l'intérêt général.
Rédigé par : Flamant Rose | 27 février 2009 à 10h26
@ Erick
Pour info, j'ai entendu E. Balladur ce matin dire que le grand Londres a 6 millions d'habitants - ce que serait le grand Paris.
Pourquoi serait-il plus un état dans l'état et difficile à gouverner ?
Le problème à l'heure actuelle est plutôt que la gauche gouverne dans ses régions, en terme électoraliste.
Et je soutiens à fond la réduction des compétences. Cela évitera qu'une région puisse par exemple donner 500 000 milles euros pour financer le Musée Allende au Chili comme l'a fait la région Ile de France il y a 2-3 ans. Rien de mieux à faire pour les Franciliens avec cet argent ?
Rédigé par : Caroline | 27 février 2009 à 13h24
Caroline,
Ce que je dis du Grand Paris - bien que j' ai pris la précaution de préciser que je n' étais pas trés apte à juger - est sans doute inspiré des bisbilles actuelles, attisées par la préparation ... des régionales.
Pour le reste, vous préchez à un convaincu !
Bon week-end.
Rédigé par : Erick | 27 février 2009 à 14h43
Le conseiller territorial est une fausse bonne idée : on ne peut servir 2 maîtres.
Affaires départementales du 1er au 15 et dossiers régionaux du 15 au 30 ?
Cohérence diront certains, je pense plutôt que cela réactivera le retour au localisme car élu d'une circonscription territoriale bien définie, le conseiller territorial ne verra les dossiers que sous l'angle de ce territoire, défaut rédhibitoire dont souffre nos conseils généraux actuels.
La force des régions est leur mode de scrutin actuel (scrutin proportionnelle sur listes départementales) qui détache les conseillers régionaux d'un terroir trop prégnant (MA commune, MON canton), sans en faire des élus hors sols (le département reste "à taille humaine".
S'il faut réformer un scrutin, c'est sans doute celui des conseils départementaux (pourquoi seraient-ils les seuls à être "généraux" ?) actuellement renouvelés par moitié tous les 3 ans sur des bases électorales obsolètes (cantons dont la population varie de 1 à 10).
Rédigé par : Jeannot | 27 février 2009 à 17h07
Quand on a commis l'aveu absolu :
"Il faut toujours prendre Balladur au sérieux"
Il n'y a plus rien à ajouter, tout est dit, comme le dit Paul Valéry :
"Un homme sérieux a peu d'idées. Un homme à idées n'est jamais sérieux" !
Rédigé par : Gilbert | 28 février 2009 à 11h45
L' homme aux citations est toujours là et a frappé !
Comment faire donc pour avoir des idées qui soient sérieuses ?
Rédigé par : Erick | 02 mars 2009 à 13h51
Si j'ai bien suivi l'opposition craint une magouille électorale mais je n'arrive pas à comprendre pourquoi. Quelqu'un peut-il m'expliquer gentiment et sans parti-pris sur quoi se fonde ce soupçon?
Rédigé par : Trésor de Bienfaits | 03 mars 2009 à 19h33
TDF,
Au risque de me répéter, je pense qu' elle prépare le terrain à un moindre succés aux régionales. Elle risque d' avoir du mal à conserver la quasi-totalité de "ses" régions.
Ajoutons à cela que s' opposant systématiquement à tout, il faut bien qu' elle trouve un argument qui soit "original" alors qu' elle ne peut s' opposer au principe de la réforme territoriale.
Rédigé par : Erick | 03 mars 2009 à 21h17