La nouveauté du phénomène Sarkozy s’illustre géographiquement de manière spectaculaire. La carte du vote en faveur du candidat de l’UMP est atypique. Elle ne ressemble pas à la géographie traditionnelle de la droite française. Il y manque une zone de force dans le Grand Ouest. Elle est également différente de la carte du vote Chirac de 2002 : le candidat du RPR avait alors enregistré de très bons scores dans tous les départements conservateurs de l’Ouest intérieur, là où son successeur n’a obtenu que des résultats moyens.
Le candidat de l’UMP obtient ses meilleurs pourcentages en Alsace, sur la bordure méditerranéenne, au nord de la région Rhône-Alpes ainsi que dans une large ceinture de départements situés autour de la région parisienne. Il s’agit là presque toujours de zones de forces de Jean-Marie Le Pen et, plus précisément, des départements où le candidat du FN a le plus reculé de 2002 à 2007. L’analyse géographique du scrutin confirme ainsi le transfert d’une partie importante de l’électorat lepéniste vers Sarkozy suggérée par les sondages.
Dans le Bas-Rhin, Sarkozy rassemble ainsi 36,3% des suffrages exprimés, en progression de 18 points par rapport à Chirac d’il y a cinq ans. Parallèlement, Le Pen chute de dix points. Dans les Alpes-Maritimes, le candidat de la droite républicaine bondit de 21 points tandis que celui de l’extrême droite recule de 13 points. Dans le Rhône, ces mouvements s’élèvent respectivement à plus 23 points et moins 10 points.
Cet apport d’électeurs en provenance du FN explique que la carte du vote Sarkozy recoupe, pour une part, celle de l’immigration en France. Corrélativement, une ressemblance rapproche la carte du vote présidentiel UMP et celle de l’implantation de l’islam en France telle que l’a révélée un cumul d’enquêtes Ifop-La Vie. La thématique de l’identité nationale, couplée à celle de l’immigration, a pesé dans la cristallisation du vote en faveur de Sarkozy.
La carte du vote Bayrou n’est pas moins surprenante, d’une autre manière. Alors que le candidat de l’UDF a battu campagne sous la bannière d’un « extrême centre » aux allures protestataires, il retrouve la géographie électorale traditionnelle de la démocratie-chrétienne. La carte de Bayrou en 2007 a d’étranges airs de parenté avec celle de Jean Lecanuet en 1965 ! Sa zone de force principale se situe dans l’Ouest breton catholique. Comme son lointain prédécesseur centriste à l’élection présidentielle, le candidat de l’UDF réalise également des scores enviables en Alsace ainsi que dans la partie conservatrice du Massif central.
Tout se passe comme si Bayrou avait pris la place de l’ancienne droite non gaulliste. La carte de son influence ressemble également à celle de Raymond Barre en 1988 ou encore d’Edouard Balladur en 1995. L’entreprise de réunification de l’ensemble des courants de la droite française, tentée par la création de l’UMP en 2002, reste inachevée.
Simultanément, le leader centriste a toutefois réussi à attirer une partie de l’électorat issu de la gauche modérée. Ses progrès les plus marqués depuis 2002 se situent significativement dans l’Ouest breton où une partie de l’électorat de culture catholique a basculé vers le socialisme au cours des dernières décennies.
Une analyse géographique plus fine montre que Bayrou a coagulé des électorats hétérogènes. A Paris, le candidat centriste obtient son meilleur score (24,4%) dans le Vème arrondissement marqué par la bourgeoisie intellectuelle mais il recueille près de 20% des suffrages dans les quartiers plus populaires du Nord-Est de la capitale. Son plus mauvais résultat (16,3%) est enregistré dans le XVIème arrondissement qui plébiscite Sarkozy (64%). Par parenthèses, cet exemple montre qu’il serait erroné de croire que le vote en faveur du candidat du l’UMP est finement corrélé avec la forte présence de populations d’origine immigrée.
La géographie du vote en faveur de Ségolène Royal se situe dans la continuité du vote socialiste de la dernière période. Comme Lionel Jospin en 2002, la candidate du PS engrange ses meilleurs résultats dans le Grand Sud-Ouest de vieille tradition socialiste. Elle obtient également des performances au-dessus de sa moyenne nationale dans la zone du centre de la France historiquement ancrée à gauche. Preuve que le vote PCF est passé au PS, Royal enregistre de bons scores dans des départements d’ancienne tradition communiste comme la Haute-Vienne (31,5%) ou la Creuse (29%). Elle conserve enfin l’audience que s’est acquis le courant socialiste dans l’Ouest breton depuis les années soixante-dix.
La carte du vote Le Pen est tout aussi classique. C’est toujours une moitié Est de la France qui accorde le plus volontiers ses suffrages au candidat du FN. La carte du lepénisme est même pratiquement le négatif de celle du socialisme. Comme hier, la France de Le Pen recoupe en partie celle de l’immigration. L’exception la plus marquante à cette règle est celle de l’Ile-de-France. Le Pen encaisse une chute spectaculaire en Seine-Saint-Denis (9% contre 17,7% en 2002) ou encore dans le Val d’Oise (9,2% contre 18,1%). Comme en 2002 enfin, mais de manière plus marquée, c’est la France industrialisée du Nord Est qui s’est le plus abstenue dans un contexte de mobilisation exceptionnelle.
Article publié dans Le Figaro du 24 avril 2007 (voir les cartes dans le journal).
Effectivement on voit la permanence de certains vote très ancien,depuis le 19ème siècle.
Bayrou a effectivement les mêmes département que le MRP, Giscard etc... (Nord-Ouest, Alsace, Savoie, Sud de Massif Central), rien n'a été ajouté ou enlevé.
Ségolène à les mêmes points forts que Mitterrand (Sud-Ouest, Centre-Ouest, Limousin) plus la Bretagne, mais moins le Nord, Picardie, Ardennes.
Sarkozy c'est à le Bassin parisien, la france Gaulliste plus certaines régions déjà Democrate-Chretienne (Alsace, Savoie).
Plus les régions où il y a de l'argent (Ile de France, Var, Alpes maritimes).
Il a les mêmes faiblesse que De Gaulle en 1965 : le Sud-Ouest. Déjà l'Aude, l'Ariège la Haute-Garonne était les départements les moins Gaulliste de France.
Les différences notable c'est la Bretagne de plus en plus à Gauche, la Provence de plus en plus à droite.
Les départements ou Le Pen dépasse 14% sont pratiquement tous situés au Nord Est de la France, plus quelques un dans les régions
méditerranéennes.
Pour moi la carte de Le Pen ne correspond qu'en partie avec celle de la présence d'immigrés. La Haute-Marne, L'Aisne, Les Vosges, La Meuse, La Somme, La Haute Saône ont pas mal de vote Le Pen mais peu d'immigrés.
C'est surtout la France des ouvriers et curieusement ces régions sur une carte de France correspondent aux régions d'Openfield, sans doute des régions occupés par des tribus germaniques au haut moyen-âge, par rapport à la France du boccage de la moitié Ouest qui vote beaucoup Royal.
La France médittérannéenes vote aussi beaucoup Le Pen.
Rédigé par : JLS | 24 avril 2007 à 10h24
Oui il est certain que Sarkozy a tapé très fort dans l'electorat de Le Pen, sur les thèmes de l'immigration, de l'autorité, de l'identité nationale. Il a prit un risque politique payant électoralement.
A noter aussi pour Ségolène des scores très forts dans les banlieues type 93, à fortes proportions de personnes issues de l'immigration... Le positionnement du PS au moment de l'épisode de la gare du Nord et plus loin des émeutes de banlieues politiquement dangereux à dans ces zones été aussi payant... Un investissement pour l'avenir.
Rédigé par : noop | 24 avril 2007 à 18h11
Bonjour, je me permets de signaler ma propre analyse des cartes (en lien). Votre papier me permettrait de la corriger, en ajoutant le sud du massif central dans les régions traditionnellement démo-chrétiennes (je l'ignorais).
L'analyse est assez proche de la vôtre : les cartes NS et JMLP sont similaires, à l'exception près des départements huppés (75, 92, 78, 69). Le vote NS apparaît donc comme un alliage conservateur aisé + nationaliste.
Rédigé par : FrédéricLN | 24 avril 2007 à 19h00
64% pour NS dans le 16è ? Eh bien on voit bien quelles catégories sociales le plébiscitent. ils ont bien compris qu'avec lui ils n'avaient aucune chance de s'appauvrir...
Rédigé par : bernard | 24 avril 2007 à 20h02
tout de même...des centaines de milliers d'ex electeurs qui votent "brutalement" sarko...pour ses yeux bleus, ou pour ses propos malsains ?
j'ai une petite idée...certains gaullistes devraient se reveiller ! et vite....
Rédigé par : fred | 24 avril 2007 à 20h05
>"tout de même...des centaines de milliers d'ex electeurs qui votent "brutalement" sarko...pour ses yeux bleus, ou pour ses propos malsains ? "
JMLP est devenu un mauvais cheval pour beaucoup de ses électeurs. Ils ont jeté leur dévolu sur NS espérant qu'il réalise les idées que JMLP n'a jamais pu et ne pourra jamais réaliser. Faute de grives ...
Rédigé par : bernard | 24 avril 2007 à 20h14
La Bretagne terre de culture catholique? L'enquête de La Vie montre que les Côtes d'Armor, par exemple, sont aujourd'hui un des départements les plus déchristianisés de France.
On confond souvent la Bretagne avec l'Ouest intérieur beaucoup plus conservateur et nettement plus catholique.
Rédigé par : bernard | 24 avril 2007 à 22h15
Voir dans les résultats de Bayrou en Bretagne la résurrection d'une "démocratie chrétienne" d' une sorte de MRP mort et enterré depuis longtemps est , à mon avis, un contre sens total.
En fait ce vote correspond à une tradition de modération que l'on retrouve aussi bien à gauche qu'à droite ( La Bretagne est l'anti Sud -Est )
De plus les catégories sociales intéressées par Bayrou sont les classes moyennes éduquées et informées .Or la Bretagne se caractérise maintenant par une attitude positive à l'égard des études longues et par un très fort lectorat de presse (ne pas oublier l'influence de Ouest-France...)
Rédigé par : bernard | 24 avril 2007 à 22h37
"Ils ont jeté leur dévolu sur NS espérant qu'il réalise les idées que JMLP n'a jamais pu et ne pourra jamais réaliser. Faute de grives "
Réaliser des idées ! Pas mal. Comme évoqué chez Versac, je ne peux que vous renvoyer au projet UMP, une fois n'est pas coutume, pour que vous constatiez, si vous êtes de bonne foi, que la "préférence nationale" n'en fait pas partie, le retour au franc, non plus, et la sortie de l'Union Européenne, encore moins.
Si vous avez en tête, l'application des lois, notamment sur l'immigration et le séjour des étrangers, toute chose pour vous ayant à voir avec "l'autoritarisme", si ce n'est une manifestation de racisme, alors oui l'électorat lepéniste peut à juste titre penser qu'il vaut mieux élire NS que SR, prônant les régularisations "massives-au cas par cas", comme elle peut proposer l'augmentation du SMIC "net-brut".
Si vous êtes le Bernard que je connus sur le site d'Hertoghe, je vous adresse un "bonjour", ajoutant que nous soyons opposé ou pas, un : "heureux de vous retrouver".
Bien à vous.
Rédigé par : matéo | 25 avril 2007 à 10h44
Bonjour matéo
Je préfère me référer à ce que NS a effectivement fait puisqu'il est le seul ministre sortant. Les promesses électorales et autres programmes n'engagent que ceux qui y croient.
Je me base aussi sur mon vécu, sur ce que vivent certains de mes proches dans la vie de tous les jours; je peux notamment témoigner des dégâts humains que causent une certaine loi dite loi Ceseda de juillet 2006.
Si vous avez le temps je vous suggère ce rapport :
http://www.cimade.org/downloads/Cimade_Rapport_circulaire.pdf
Rédigé par : bernard | 25 avril 2007 à 11h39
Sur la Bretagne, il n'est pas vrai que les cotes d'Armor ont été déchristianisées. Il s'agit encore d'un des départements bretons ou il y a le plus d'écoles privées catholiques. Etant moi-même originaire de ce beau pays, je peux vous certifier que ce departement, même si un certain mouvement minoritaire anticlérical a toujours été très actif, il s'agissait d'une lutte continuelle contre la calotte.
Cette région traditionnellement de centre droite/gauche de tradition catholique sociale dans les terres, a souvent également eu des villes socialistes: Rennes, Brest, Nantes (historiquement et culturellement, cette ville est bretonne)ou Lorient. En périphérie de ces villes, on trouve quelques villes communistes.
Depuis 10 ans et en particulier depuis les dernières régionales, le PS qui a social-démocratisé son discours dans cette région, progresse sur les terres du catholicisme de gauche.
Rédigé par : Karl Marx | 25 avril 2007 à 14h10
Sur Le Pen, il est frappant (et inquiétant) de voir qu'il a fortement progressé en Corse et qu'il continue à gagner des voix dans le Nord Pas de Calais, à des niveaux très haut dans les communes industrielles. Là-bas, le vote s'enracine sérieusement. L'analyse ville par ville est très intéressant.
A l'inverse, dans les départements méditérannéens, la porosité droite-extrême droite a parfaitement fonctionné au profit de Sarkozy.
Rédigé par : Nicolas | 27 avril 2007 à 14h27
45% des électeurs Bayrou revendiquent un vote constestataire.
C'est le résultat que j'observe sur le sondage en ligne dans mon site perso http://www.ExtremeCentre.fr
Etonnant non ?
Rédigé par : JeanHuguesRobert | 30 avril 2007 à 15h04
Je ferais remarquer qu'un facteur qui influence la cartographie du vote Sarkozy, c'est qu'il a surtout attiré le vote des plus agés avec un plébiscite de la part de la classe des + de 60 ans. Au point que si on retirait du compte cette part de l'électorat, il devrait céder la victoire à S. Royal.
Rédigé par : jmdesp | 07 mai 2007 à 17h38