Les textes politiques sont plus révélateurs qu’on ne le croît. Les motions soumises au congrès socialiste du Mans en disent long sur la culture actuelle du PS. Au-delà de réelles différences d’accent, la thématique des trois principaux courants appartient au même univers de pensée. Laurent Fabius se situe dans le sillage de François Mitterrand tandis que NPS critique sévèrement Lionel Jospin, François Hollande offrant la prose la plus ambiguë. Mais un air de famille apparente ces textes : une même difficulté à se dégager des réflexes idéologiques traditionnels de la gauche française et une fâcheuse frilosité face aux nouveaux enjeux de la période. Avec quelque désinvolture, Dominique Strauss-Kahn a confié que la motion Hollande qu’il avait signée « aurait pu être écrite il y a vingt ans ».
Qu’on en juge. Les longs développements consacrés à la mondialisation ne vont guère au-delà de la dénonciation des maléfices du libéralisme. Hollande évoque une énigmatique « mondialisation solidaire ». Fabius critique du bout des lèvres « le libre-échangisme dogmatique ». Seul NPS reconnaît l’impossibilité de rééditer au niveau mondial les compromis négociés au niveau national. Tout en se défendant de céder au néoprotectionnisme, le trio Montebourg-Peillon-Emmanuelli milite en faveur de « marchés communs régionaux ».
La nouvelle donne européenne ne stimule pas davantage l’imagination des socialistes. Ici, c’est Fabius qui tient le plus compte des réalités en suggérant une « Europe des trois cercles » capable de répondre aux impératifs de l’élargissement et de l’approfondissement communautaires. Pour leur part, les motions Hollande et NPS préfèrent agiter rituellement l’oriflamme d’un introuvable fédéralisme européen.
En matière d’immigration ou de sécurité, la tradition l’emporte également sur l’expérience. Une pudeur mal placée empêche toujours les socialiste de regarder en face les drames de l’immigration illégale. Ils se contentent de condamner les organisateurs de filières clandestines. Quant à l’insécurité, elle reste chez eux largement redevable de la problématique habituelle de la prévention et de la proximité.
Il est pourtant un domaine où les socialistes font preuve d’une audace parfois cousine de la surenchère : l’écologie. Fabius promet un « éco-socialisme ». NPS suggère d’emprunter le chemin d’une « éco-croissance ». Hollande n’est pas en reste. Il n’hésite pas à s’engager à offrir « des voitures totalement propres en ville d’ici dix ans ». Tout se passe comme si l’écologisme servait d’horizon utopique de substitution à une gauche socialiste orpheline d’espérance historique.
Les dirigeants du PS ont beau jurer vouloir renouer avec les couches populaires, ils enfourchent les chevaux de bataille d’écologistes gagnés par la « boboïsation ». Les trois motions se déclarent favorables au mariage homosexuel et à «l’homoparentalité», Fabius s’en tenant simplement à une formulation prudente. Les socialistes se retrouvent encore pour promettre, une fois de plus, d’accorder le droit de vote aux immigrés pour les élections locales.
L’étatisme est un autre point commun des textes en compétition. Il se trahit d’abord par le style. Les socialistes de 2005 ne savent plus rédiger une motion d’appel à mobilisation de la société autour de leur conception du monde. Ils écrivent un programme de gouvernement, un catalogue de mesures qui n’oublie aucun ayant droit. La grande majorité des dirigeants socialistes de toutes les sensibilités a été ministre ou entend le devenir. L’élite rose ne s’imagine visiblement pas oeuvrer à long terme pour son idéal. Elle veut le pouvoir. C’est son destin naturel au point que la motion Fabius se sent obligée de rappeler que « le gouvernement n’est pas toute la société » ! On risquerait de le croire à lire les multiples appels à créer des organismes administratifs prétendument transversaux. Les socialistes proposent une farouche réhabilitation de l’Etat et de l’impôt qui laisse perplexe au regard de la situation de nos finances et de nos services publics.
Ces travers ne sont pas étrangers à l’impensé du rapport entre individu et société. A l’exception de NPS qui sacrifie quelques lignes à « l’individualisme régressif », le nouvel individualisme des temps présents n’est guère pris en considération. Une gauche moderne devrait pourtant prendre appui sur la responsabilité individuelle et sur le potentiel des initiatives de chacun. Simultanément, elle gagnerait à lutter contre les ravages du narcissisme et du consumérisme qui émiettent la société. Voilà qui permettrait au PS de prendre le tournant du millénaire au lieu d’en rester au socialisme du XXème siècle.
Article publié dans Enjeux-Les Echos de novembre 2005.
"L’élite rose ne s’imagine visiblement pas oeuvrer à long terme pour son idéal. Elle veut le pouvoir."
C'est ce qu'on avait appris, trop tard et à nos dépens, avec le mitterandisme. Comme Lolomme à la moto s'en réclame, il roulera sur sa custom sans moi.
Le hic, c'est que je n'ai pas plus envie d'embarquer derrière les autres.
Sombre dimanche.
Rédigé par : PMB | 04 novembre 2005 à 15h59
Il y a tout de même la motion Bockel... Quand le rétro-socialisme aura été - je l'espère mais je n'ose y croire - balayé en 2007, alors peut-être, finalement, le "grand tournant du socialisme" pourra se produire avec 50 ans de retard sur l'Allemagne, 20 sur l'Angleterre et l'Espagne et 15 sur l'Italie.
Rédigé par : Basta | 05 novembre 2005 à 10h11
Eric,
Basta a raison, pourquoi ne pas parler de la motion de Bockel? Quelle est votre analyse sur les chances d'un "socialisme liberal" de s'imposer au PS?
Rédigé par : Thomas | 05 novembre 2005 à 12h45
Je n'ai effectivement analysé que les trois motions principales et n'ai pas parlé de celles de Jean-Marie Bockel et d'Utopia. Ces deux courants marginaux n'ont que très peu de chances de franchir la barre des 5% des suffrages militants indispensable pour obtenir une représentation nationale. Le "socialisme libéral" que défend courageusement Bockel n'est pas précisément à la mode, en ce moment, au PS ! On peut lire les cinq motions en compétition sur le site du PS:
http://www.parti-socialiste.fr/congres2005/rubrique.php3?id_rubrique=3
Rédigé par : Eric Dupin | 05 novembre 2005 à 14h35
je pense qu'il faut au ps retrouver son electorat pour gagner en 2007et en ayant entendu leur mesage du 29mai et avril 2002
je pense que lolo a raison ; seul les autosatisfaits ne changent pas ;il est bon parfois de faire son autocritique ; francois etait pendant plus de 10 premier secretaire alors pourquoi y a t_il eut le 24 avril
la motion 2 est bonne sur la strategie et les reponses
Rédigé par : patrick | 05 novembre 2005 à 15h55
D'accord avec Basta sur le "retro-socialisme", mais moins sur les tournants chornologiques advenus selon lui chez nos voisins, surtout pour l'Italie ou l'Espagne.
Rédigé par : blabla | 06 novembre 2005 à 16h52
Avouez quand même que le PS actuel est très "gauche caviar" et que de fait est très éloigné des valeurs socialistes.
Les éléphants du PS profitent trop du système actuel et de ses avantages pour pouvoir renouer avec les valeurs socialistes.
Comme dèjà dit sur le blog d'Alain, ils naviguent tous à vue sans perdre toutefois perdre le Nord c'est-à-dire leur fauteuil. Tant que cette caste se là à s'accrocher il n'y aura rien à attendre du PS.
Rédigé par : bernard | 06 novembre 2005 à 17h53
Bernard, le problème que vous évoquez dépasse le PS, puisqu'il s'agit de la professionalisation de la vie politique à la française, qui fait de la politique une activité menée sur une vie (dépassant même l'âge de la retraite comme pour Chirac). Il en résulte des poliques qui ne sont plus jamais dans la vie active "réelle", qui doivent trouver des postes pour vivre, et cela toute leur vie. Dites à un anglais que les prochaines élections pourrient se passer entre Major, ou pourquoi pas Thatcher et Blair, et il hurlerait de rire. En France, il en va ainsi. Comment voulez-vous qu'il n'y ait pas usure et décallage avec la réalité sociale ? A moins bien sûr que vous ne changiez totalement d'avis et vous reniiez sans cesse comme Fabius qui, au passage, fait encore figure de jeune chez nous (premier ministre de 1984 à 1986, il y a 20 ans...).
Rédigé par : blabla | 06 novembre 2005 à 19h35
ca règle le pb, je crois.
www.unsibeaubordel.blogspot.com
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Rédigé par : Damien | 07 novembre 2005 à 00h49
Eric,
je partage la plupart de vos constats sur les hommes du PS et sur le désencrage progressif de ce parti avec la réalité du monde.
Votre papier m'a semblé sévère mais juste.
Cependant,il me semble qu'il y a au moins un thème qui les y relie malgré tout, c'est au moins la préoccupation écologique.
Alors, même s'ils s'en servent comme cache misère idéologique (personne n'est dupe du néant du débat et de l'absence de créativité actuelle), reconnaissons leur au moins le mérite de se soucier sérieusement d'écologie.
La planète et ses changements rapides menacent plus l'avenir de l'homme (et plus de vies humaines)que les émeutiers des derniers jours.
Que peut on espérer du PS actuel?
De qui peut on attendre l'impulsion réaliste et salvatrice qui fera du PS une force sociale-libérale?
Quand la droite cessera t elle d'être seule à faire des propositions, à débattre constructivement (pour le bonheur de ses électeurs)?
Qu'est ce qui explique à gauche et en France la difficulté à passer le cap du social-libéralisme?
Rédigé par : Séverin | 08 novembre 2005 à 02h56
Une chose est sûre, avec les petits rappeurs en casquettes qui incendient les voitures de leurs voisins de palier, voire de leurs copains "pour s'exprimer", et avec l'état d'urgence, le congrès socialiste tombe bien mal. Peu de gens vont s'intéresser aux résultats des différentes motions.
Quant à nos brillants écolos qui continuent imperturbablement à réclamer la démission du ministre de l'intérieur, ils se sont discrédités et en montrant à tous qu'ils n'avaient pas sens du bien public. Et comme l'a gentillement fait remarquer un Bloggeur, Mamère aurait eu du succès s'il avait fait son mariage homo dans les cités.
Rédigé par : Michel | 09 novembre 2005 à 00h12